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inconnus a vivement excité la curiosité de tous ceux qui s’intéressent aux lettres anciennes. On en a parlé dans des conférences ; on a analysé et apprécié les poèmes dans des revues savantes[1]. Je voudrais montrer ici comment ces poèmes complètent notre connaissance d’un genre qui, sans occuper le premier rang dans l’histoire de la littérature grecque, a cependant son importance, puisqu’il s’honore d’un nom comme celui de Théocrite. J’essaierai d’abord de définir l’art de Théocrite lui-même, la nature et le caractère de ses compositions. Ce serait la meilleure manière de se préparer à comprendre Hérondas et à le mettre à sa place.


I

Le genre auquel appartiennent les petits poèmes d’Hérondas et le plus grand nombre de ceux de Théocrite est celui des mimes. Le mot se prononce rarement chez nous quand on parle de la littérature grecque, et en général on ne se doute pas que la pastorale de Théocrite elle-même n’est qu’une variété du genre ; nous dirons tout à l’heure comment. On peut définir les mimes des pièces imitatives de courte étendue, où étaient représentées les mœurs des classes populaires ou, tout au plus, de la classe moyenne. Au moyen des descriptions et, surtout, du langage prêté aux personnages, soit dans des monologues, soit plus souvent, semble-t-il, dans des dialogues, l’auteur obtenait de petites peintures de genre, où le caractère était rapidement saisi, rendu par des traits courts et expressifs, et qui s’attachaient à conserver comme la saveur et le piquant de la vie vulgaire dans la vivacité de son expansion naturelle. Peut-être aujourd’hui certains côtés de notre littérature contemporaine nous ont-ils mieux préparés que nous ne l’étions auparavant à goûter ces sortes de compositions. Par exemple, toutes ces petites pièces de M. Alphonse Daudet, que tout le monde a lues et où l’on peut trouver qu’il a mis le meilleur de son talent, valent précisément par ce goût de terroir, cette vivacité du trait et ce soin curieux de l’expression que recherchaient les anciens mimographes. Ce sont des mimes provençaux.

Si l’on veut remonter à la première origine, on la trouvera dans

  1. Le public du cercle Saint-Simon a fort goûté une causerie élégante et délicate de M. Alfred Croiset sur les mœurs de la société qu’Hérondas nous fait connaître. La Revue des Études grecques a publié, dans son cahier de juillet-septembre 1891, un intéressant et utile travail de M. Théodore Reinach sur Hérondas et ses poèmes. M. Weil a analysé et étudié de nouveau ces poèmes avec sa science d’helléniste et la sûreté de la critique dans le Journal des Savans, cahiers de novembre 1891 et de janvier 1893.