est toucher au point où elle ne peut plus être tranchée que par une dissolution du parlement. Elle est provisoirement suspendue par les vacances de Pâques ; elle ne reste pas moins dans toute sa vivacité aiguë et à peu près insoluble. Vainement il y a eu toute sorte de projets de transaction de M. de Bennigsen pour les libéraux nationaux, de M. Lieber pour le centre, de M. Richter pour les progressistes ; la plupart de ces projets étaient à peine des atténuations des propositions du gouvernement. Le chancelier, M. de Caprivi, a décliné toutes ces offres de conciliation, opposant une résistance absolue. Il a fini par demander « tout ou rien ; » il est vraisemblable que le parlement à son retour ne lui accordera rien, — et alors ce sera la dissolution. Seulement, il est évident que l’empereur Guillaume et le chancelier joueraient une grosse partie. L’impopularité de la loi militaire est plus grande dans la plupart des pays de l’Allemagne, dans la masse de la nation, que dans le parlement, et il ne serait point impossible que des élections nouvelles ne fussent favorables surtout à l’opposition, particulièrement aux socialistes. C’est une perspective peu faite, sans doute, pour séduire l’empereur Guillaume, qui n’a aucun intérêt, pas même un intérêt d’orgueil, à entrer en conflit avec l’opinion et à donner plus de force au socialisme déjà assez menaçant.
Les choses n’en sont pas encore là, il est vrai, et si M. de Caprivi s’est gravement engagé, l’empereur n’a pas dit son dernier mot ; tout reste en suspens pour quelques jours. La loi militaire n’est pas d’ailleurs aujourd’hui la seule question qui fasse du bruit à Berlin. À la veille de la séparation du parlement, M. Ahlwardt, député antisémite, celui qui s’est déjà fait des affaires par ses révélations sur les fusils Löwe, M. Ahlwardt a tenu à donner une représentation dans le genre de nos représentations françaises du Panama. Il est arrivé au Reichstag avec un formidable réquisitoire, signalant la dilapidation des fonds des invalides, accusant de corruption des membres du parlement, des ministres, des hommes publics de l’entourage de M. de Bismarck, et M. de Bismarck lui-même. L’accusateur a été sommé fur l’heure de donner des preuves qu’il n’avait pas naturellement. Le tumulte a été effroyable. Ce qu’il y a de curieux, c’est que, si M. Ahlwardt a été conspué et honni dans le parlement, il a été à sa sortie l’objet de bruyantes ovations populaires. Les soupçons font leur chemin, et ces scandales qu’on croit particuliers à la France, l’empereur les voit éclater autour de lui à Berlin, comme il va les retrouver à Rome où il se rend pour les noces d’argent du roi Humbert.
Depuis plus de trois mois que le ministère libéral de M. Sagasta est arrivé au pouvoir à Madrid, il a eu le temps de s’établir, d’inaugurer sa politique et surtout de faire ses élections, pour avoir son parlement,