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qui, le premier, avait donné l’exemple du retour. Il avait délicatement rempli ses devoirs de parenté au moment de la mort du vieux roi Louis-Philippe. En toute occasion il ne cessait de témoigner ses sympathies pour ses brillans cousins et son désir de se retrouver « à la tête de la maison de France. » — Mais en même temps, avec une douce et courtoise inflexibilité, il restait enfermé dans son droit comme dans une citadelle. — « Autant il faut être conciliant envers les personnes, autant il est indispensable d’être barre de fer sur les principes. » — Il n’aimait même pas ce mot de « fusion, » qui revenait sans cesse, il refusait de s’en servir ; il y voyait une équivoque, une dernière confusion d’idées et de faits. Il n’admettait que la « réconciliation personnelle, une large et cordiale réconciliation, accompagnée de la reconnaissance sans condition du droit héréditaire dont il demeurait le représentant souverain et l’inviolable gardien.

Bref, on négociait, on épiloguait sur cette insaisissable « fusion, » on n’était pas plus avancé après des années. M. de Falloux trouvait que tout eût été promptement décidé si, à certains momens, M. le comte de Chambord « avait eu vis-à-vis de ses cousins quelque mouvement spontané ou quelque parole heureuse à la Henri IV, » et il ne cachait pas ses impatiences à son « roi. » Le prince ne lui répondait pas. De sorte que M. de Falloux restait un royaliste assurément, mais un royaliste qui ne s’entendait avec son prince ni sur les conditions libérales d’une restauration, ni sur la direction du parti à l’intérieur, ni sur la « fusion, » et qui, dans une heure de découragement, finissait par écrire à Berryer : — « Si ce régime moral prend définitivement racine en lui (M. le comte de Chambord), c’en est fait de lui et de la monarchie française et, du même coup, de toutes les monarchies européennes ! .. » — Il voyait tout en noir, et ce n’était pas sans raison.


VI

À mesure que les années se succédaient, en effet, une situation étrangement nouvelle commençait à se dessiner. L’empire, après ses jours de bonheur décevant, après avoir épuisé sa fortune et abusé de tout, arrivait à sa phase critique. À demi perdu déjà dans les confusions qu’il se créait, dans les contradictions d’une politique tour à tour oppressive ou chimérique, compromis par des aventures extérieures qu’il n’avait su ni éviter, ni dominer, il avait fini par tout confondre et tout gâter ; il n’avait réussi qu’à réveiller les questions religieuses les plus irritantes par les équivoques de