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aisemens et les chemins en occupent 64. Le total est de 900 hectares environ ; si cette commune avait jadis la même superficie qu’aujourd’hui (1,700 hectares), près de la moitié était en terrain banal. Au XVIIe siècle, la superficie de Vinsobres, en Dauphiné, est de 1,072 salmées, réparties en 79 salmées de vergers (oliviers et amandiers), 132 de prés et ramières, 228 en vignes ou labours, 635 en terres hermes ou stériles, ce qui revient à dire que plus de la moitié du sol est en friche et à peu près infécond.

Dans l’Ile-de-France, au contraire, à la fin du règne de Louis XIV, l’élection de Saint-Florentin ne contenait, au dire du subdélégué, que 12,000 arpens de terres « vaines et vagues, » sur un territoire de 120,000 arpens ; soit le dixième, proportion assez semblable à celle de la France actuelle, malgré tous les défrichemens qui ont été opérés depuis deux siècles : 4,400,000 hectares incultes, contre 44,600,000 hectares productifs. Seulement, aujourd’hui, ces quatre millions et demi d’hectares incultes appartiennent presque exclusivement à quinze ou seize de nos départemens (Hautes et Basses-Alpes, Hautes et Basses-Pyrénées, Savoie, Corse, Lozère), pays de montagnes, rebelles à l’homme, tandis que les 120,000 arpens de Saint-Florentin étaient situés dans le département de l’Yonne, qui ne contient actuellement que 6,400 hectares improductifs contre 719,000 hectares en culture, soit moins de 1 pour 100. Depuis l’an 1700, le patrimoine en valeur s’est donc accru ici des neuf dixièmes de la friche.

« En Gaule, dit Lactance, pendant le déclin de l’empire romain, si nombreux étaient ceux qui recevaient en comparaison de ceux qui payaient, si lourd était le fardeau des impôts que le laboureur succomba sous la tâche ; les champs furent abandonnés et des forêts s’élevèrent là où la charrue avait passé… » Il faut se défier en ces matières de l’affirmation trop absolue d’historiens qui laissent tomber de leur plume, pour arrondir une phrase, des formules qui ne sont que très partiellement vraies. Les communautés monastiques défrichèrent énormément aux VIe et VIIe siècles, ce qui prouve qu’il y avait alors beaucoup de sol inculte, mais ce qui ne prouve pas que ce sol eût jamais été cultivé. Toutefois, sans sortir des six siècles qui font l’objet de notre examen, nous devons reconnaître que le retour de la terre labourée à la lande n’est pas chose extraordinaire : le fait se produisit en France, sur une vaste échelle, du milieu du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVe. Il se produisit encore, quoique à un degré incomparablement moindre, dans les dernières années du XVIIe siècle et dura jusqu’au premier tiers du XVIIIe. Aux deux époques la terre baissa de prix et la population diminua.