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à fleurs pouvant contenir 3 kilos de sable, des graines de cresson alenois déjà germées ; le sable n’avait pas été calciné, mais seulement lavé à plusieurs reprises et il ne renfermait que des traces de matières organiques. On ajouta des engrais minéraux, sans aucun engrais azoté ; pendant l’hiver, bien que les vases fussent placés dans une serre, la végétation lut languissante, elle ne prit son essor qu’au printemps. Quand on mit fin à l’expérience, le cresson était luxuriant. Quelques pieds avaient 0m,95 de hauteur, ils avaient mûri leurs graines ; en ne tenant compte que de la partie aérienne, on trouvait déjà que l’azote de la récolte dépassait beaucoup celui des graines et de l’eau d’arrosage. Quand on examina les racines, on trouva qu’elles avaient pris un prodigieux développement, elles enlaçaient le sable, formaient un véritable feutre ; on trouva que le sol s’était aussi singulièrement enrichi d’azote.

Cette expérience fut recommencée, mais le semis eut lieu dans des vases de moindre dimension, renfermant du sable normal ou stérilisé ; dans l’un et l’autre cas, on échoua complètement. Les plantes furent chétives, comme celles qu’obtenait M. Boussingault, dans les expériences où il ne constatait aucun gain d’azote. En recommençant encore, mais cette fois, en ensemençant le cresson dans des vases d’une grande capacité, on constata, comme dans le premier essai, un gain d’azote sensible ; en Allemagne, le professeur Frank obtint des résultats analogues. Doit-on en conclure que le cresson de M. Bréal ou les plantes variées de M. Frank ont fixé directement l’azote atmosphérique ? Il serait imprudent de l’affirmer. Il semble plus vraisemblable que ces expériences ne sont qu’une vérification de la découverte de M. Berthelot ; ce sont sans doute les organismes contenus dans le sable qui ont fixé l’azote dont les plantes se sont ensuite emparées ; mais de nouvelles cultures doivent être disposées pour arriver à des conclusions précises.


Faut-il s’excuser d’avoir si longuement, si minutieusement analysé les travaux récens qui établissent avec certitude l’intervention de l’azote atmosphérique dans les phénomènes de la végétation ? Pour le penser, il ne faudrait pas voir que cette fixation, dans le sol du gaz dont l’atmosphère nous offre un réservoir inépuisable est la condition même de la persistance de la vie à la surface du globe.

La matière ne se détruit pas ; elle ne se crée pas, elle revêt seulement des formes variées qui n’affectent ni la nature intime, ni le poids des élémens dont elle est formée. L’azote circule d’un être à l’autre. Engagé aujourd’hui dans une combinaison complexe, constituant les muscles d’un animal, demain détritus soumis à