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en 1878 et qui ont consisté essentiellement en la création du tarif A2 pour les charges de 5,000 kilogrammes et en la différenciation de la base du tarif spécial 3, le système en question est resté immuable. Tous les abaissemens de tarifs qui ont été concédés depuis ont été introduits exclusivement sous les deux formes suivantes :

1o Par déclassement de certaines marchandises ; citons, par exemple, le déclassement du chanvre et du jute du tarif spécial 1 au tarif spécial 2 ; des betteraves du tarif spécial 1 au tarif spécial 3 ; du ciment du tarif spécial 2 au tarif spécial 3 ; des machines, des pierres taillées, de la soude, du tarif général B dans le tarif spécial 1 ;

2o Par la création de nouveaux tarifs exceptionnels. Tels sont, parmi les plus importans : le tarif pour les expéditions de détail de certaines marchandises dénommées, notamment des produits métallurgiques, ou des marchandises destinées à l’exportation maritime ; le tarif à base décroissante pour les minerais de 1er  ; le tarif du même genre pour les engrais communs, les terres, les sables, les pommes de terre et les betteraves ; celui pour les matériaux des routes et les chaux destinées à l’agriculture ; enfin, tout récemment, le tarif à échelons pour les grains et les céréales des régions de l’est.

C’est au moyen de ces tarifs exceptionnels qu’ont eu lieu, en définitive, les principales réductions de prix. On jugera de l’importance actuelle de ces tarifs par les chiffres suivans, relatifs à l’exercice 1891-1892 :


Régis par les tarifs exceptionnels Par rapport à l’ensemble des transports
Nombre de tonnes 60,000,000 tonnes 49 pour 100
Nombre de tonnes-kilomètres 700,000,000 t. kil 47 pour 100
Recette 250,000,000 francs 37 pour 100

Ces tarifs spéciaux, ces déclassemens isolés ont été incontestablement d’un grand secours pour les branches de commerce-ou d’industrie auxquels ils s’adressent, et nous n’avons aucunement l’intention d’en méconnaître l’heureuse influence. Mais, nous insistons sur ce point, ils sont à la fois la condamnation du système de tarification absolu et uniforme qu’on a prétendu imposer à l’Allemagne et l’antithèse du programme de réformes énoncé par le gouvernement au moment du rachat. Aussi la pratique de l’administration a-t-elle soulevé de nombreuses et vives critiques[1].

  1. Le fait que presque la moitié des transports sont régis en Prusse par des tarifs exceptionnels, dit M. le député Schœller, dans l’ouvrage déjà cité, ne constitue qu’une maigre consolation pour ceux qui ne jouissent pas de ce régime de faveur. Rien ne saurait précisément, mieux que cette importance des tarifs d’exception, démontrer la nécessité de substituer à la création de nouveaux tarifs de ce genre la diminution des prix normaux de transport. Lorsque l’on songe aux grands avantages qui auraient dû résulter pour le trafic du passage des chemins de fer privés entre les mains de l’État, notamment en ce qui concerne la diminution et l’unification des tarifs, et quand on considère que le prix de revient des transports n’est peut-être en aucun pays, que les chemins de fer y soient à l’État ou aux compagnies, aussi modique qu’en Prusse, où presque toutes les voies ferrées sont établies en pays plat, on doit convenir de la nécessité et de la possibilité d’une diminution des tarifs normaux. »
    Et plus loin : < »L’état de choses actuel a aussi l’inconvénient de compliquer les tarifs de marchandises et par suite de les rendre de moins en moins accessibles à la compréhension de tous ; il justifie l’opinion généralement admise qu’une compétence spéciale est nécessaire pour pouvoir s’aventurer dans le domaine des tarifs, et que les questions qui s’y rapportent ne sont accessibles qu’au petit nombre de personnes douées de cette érudition. Dans le public, on éprouve une certaine timidité à s’occuper ici de ces questions. »