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marchait pas assez vite pour le suivre. La théologie, qui était déjà sortie fort blessée de ses luttes avec l’humanisme au XVIe siècle, perdait tous les jours de son importance. En 1637, au moment où s’achevait l’édifice de Richelieu, paraît le Discours sur la méthode ; ce petit livre tire la philosophie de l’école et la jette dans le monde. Entre elle et la théologie, le conflit va bientôt éclater, et la Sorbonne sera bien forcée de prendre part à la bataille.

Par malheur pour la faculté de théologie de Paris, le roi lui fit, à ce moment même, un présent qui lui devait être très funeste : il ordonna qu’aucun livre ne serait publié sans son autorisation. Elle avait de plus conservé le droit de juger les doctrines qui lui paraîtraient dangereuses et en usait volontiers. On comprend que cette censure des ouvrages et des opinions lui ait fait beaucoup d’ennemis et que les auteurs qu’elle condamnait ou qu’elle empêchait de paraître aient été tort irrités contre elle. Mais ces colères auraient dû atteindre la faculté de théologie tout entière ; comment se fait-il qu’elles soient retombées presque uniquement sur la Sorbonne ? M. Gréard s’en plaint, et il a raison. La Sorbonne n’était qu’une partie de la faculté ; il y avait en dehors d’elle les docteurs qui sortaient du collège de Navarre, ceux qui avaient été formés dans les couvens, et ceux qu’on appelait les ubiquistes parce qu’ils étudiaient un peu partout. Ils avaient tous le droit de voter : pourquoi, lorsqu’il est question d’une sentence à laquelle ils ont tous concouru, l’attribue-t-on uniquement à la Sorbonne ? Elle n’en est pas plus coupable que les autres. La seule raison de cette injustice, c’est que la Sorbonne a fait pour la faculté de théologie ce que les Mathurins faisaient pour celle des arts ; elle l’a recueillie chez elle, elle lui a prêté sa grande salle pour ses réunions solennelles ; et voilà comment elle personnifia la faculté tout entière et finalement paya pour tout le monde.

La salle où la faculté de théologie tenait ses assemblées n’existe plus. Elle a été remplacée par celle où se faisait jusqu’à ces dernières années la distribution des prix du concours général. Mais nous avons une gravure du temps qui la représente, et que M. Gréard a reproduite dans son livre. De grandes fenêtres montant jusqu’au faîte et garnies de vitraux en occupent le fond. À l’autre extrémité, une balustrade de bois laisse un passage pour le service ; tout le reste est garni de bancs, rangés en face les uns des autres. Au centre, les hommes importans siègent sous une estrade, les secrétaires sont rangés autour d’une table et occupés à écrire. La salle est grande ; il fallait qu’elle pût contenir tous les docteurs, et ils étaient quelquefois plusieurs centaines. La gravure nous les montre gravement assis sur leurs sièges ; on distingue aux premiers