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contentons-nous des données positives, constatons seulement avec Pline, Ptolémée, Strabon, que dès cette époque la terre séquanaise pouvait se passer des pays voisins, que son peuple marchait au premier rang de la confédération gauloise. Quand les Germains l’ont pour eux, remarque Strabon, ils sont forts contre l’Italie ; quand il leur manque, ils ne sont rien. César l’introduit dans l’histoire : Arioviste vaincu, la Gaule conquise au prix d’une lutte acharnée, il va, comme celle-ci, partager, quatre siècles durant, la gloire et la fortune du vainqueur. Rapide fut la transformation, rapide l’adoption des lois, de la langue, de la religion ; unis de cœur à l’empire, les Séquanais participent aux bienfaits de cette civilisation, de cette paix romaine qui apporte au monde ancien le plus de grandeur et de bonheur, paix troublée cependant par tant de guerres civiles et étrangères, comme pour nous enseigner la nécessité de l’éternelle rançon. Tandis qu’Auguste et ses successeurs établissent en Séquanie routes stratégiques, aqueducs, camps retranchés, que Vesontio (Besançon) se couvre de superbes édifices à l’image de Rome, devient le siège d’un vaste commandement militaire et rivalise pour ses écoles avec les villes les plus célèbres, tandis que de riches cités s’élèvent de tous côtés, Luxovium (Luxeuil), bientôt fameuse par ses eaux thermales, Portus Abucinus (Port-sur-Saône), Ariolica (Pontarlier), entrepôts de grains, de fourrages et de sapins, Salins, centre d’exploitation pour le sel et la culture de la vigne, la province reste une pépinière d’excellens soldats, et, la richesse marchant à la suite de l’industrie, ses vins, ses jambons obtiennent les suffrages des gourmets de la capitale. Les habitans se montrent en général fidèles sujets, et résistent à Sabinus qui s’était fait proclamer empereur chez les Lingons ; battu par eux, il se cache pendant neuf ans avec sa femme Eponine, dans une caverne que d’aucuns affirment être la Baume-Noire, entre Fretigney et Oiselay : mais auparavant ils s’étaient soulevés contre la tyrannie de Néron, à la voix du sénateur Vindex qui proclamait empereur Sulpicius Galba, général des légions d’Espagne. Près de Besançon, un furieux combat fut livré, où vingt mille Gaulois avec Vindex trouvèrent la mort. Déjà l’empire apparaissait une dictature militaire, tempérée par l’insurrection fréquente de légions jalouses de faire des Césars en mettant le pouvoir à l’encan ; et, comme on voit, les pronunciamientos espagnols ou américains peuvent se recommander d’une haute origine. Galba, successeur de Néron, accorda aux Séquanes, aux peuplades gauloises qui avaient suivi sa fortune, des accroissemens de territoire, des diminutions d’impôts, des libertés municipales. Claude avait permis aux Gaulois d’entrer au sénat, Vespasien réduisit le nombre des légions chargées d’occuper la province.