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ils comprennent quel parti l’on peut tirer de contrats habilement rédigés, de textes bien interprétés. Charles le Téméraire se fait suivre à l’armée de deux clercs de grande prud’homie ; Philippe le Bon s’aperçoit que favoriser la robe longue, c’est amoindrir la robe courte ; ainsi les légistes remplacent auprès des souverains les astrologues, les chercheurs de pierre philosophale. Le comte de Montbéliard, dont les affaires étaient fort embarrassées, attire par la ruse Dumoulin, le retient prisonnier pendant cinq mois, désireux de garder un jurisconsulte qui avait soulevé la Sorbonne, battu Théodore de Bèze en champ clos, réduit le pape à demander la paix au roi de France, un petit homme qui, selon le mot d’Anne de Montmorency, faisait avec un petit livre ce que trente mille lansquenets n’avaient pu obtenir.

Maîtres et élèves de Dole forment une sorte de république qui a ses lois et privilèges : à l’origine, les professeurs sont élus par le collège, en fait par les étudians, ou du moins proposés à l’agrément du souverain ; on leur demande seulement le grade de maître, licencié ou docteur ; mais, en 1503, l’archiduc Philippe confie le choix aux distributeurs, sous la « superintendance » du président du parlement qui peut opposer son veto à l’élu ; un édit de 1616 mit les chaires au concours afin de relever les études déjà « abastardies. » Petit à petit, ces distributeurs arrivent à gouverner l’Université ; administrateurs de son budget, ils sont près d’elle les agens accrédités du souverain, ses correspondans, ses conseillers. L’Alma Mater s’appelle fille du souverain, mère de ses sujets ; ses membres marchent à la gauche du parlement dans les processions et sont investis de privilèges étendus : exemption de toutes charges personnelles, comme la taille, le guet, la garde des murailles, le logement des gens de guerre, l’impôt du sel, la taxe d’entrée sur le vin. Deux régens prennent part chaque année à l’élection du mayeur de Dole ; docteurs et maîtres jouissent de la noblesse personnelle ; les professeurs de droit civil et canon, de théologie et de médecine reçoivent 200 livres par an, ce qui représente 1,100 à 1,200 francs de notre monnaie : — « L’ensemble des connaissances propres à développer la raison et étendre les limites de l’esprit humain, » voilà le cadre de leur enseignement, cadre très vaste assurément, si l’Université de Dole avait pu garder envers l’Église l’indépendance que revendiquait l’Université de Paris, si cette même Église, cette grande éducatrice des peuples, n’eût comprimé avec un soin jaloux le mouvement des âmes, fait de la philosophie l’humble servante de la théologie et de la scolastique, si la forêt d’Aristote, selon l’expression de Pierre de Celle, n’eût trop souvent étouffé l’autel du Seigneur.

Parmi les étudians de Dole, on rencontre les représentans des