Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien au contraire. Une terre cultivée de moyenne fertilité accuse, à l’analyse, par kilo, 1 gramme d’azote combiné ; dans les terres riches, la teneur en azote, par kilo, monte à 2 grammes ; elle s’élève encore plus haut dans les prairies ; or, si on admet que les racines des plantes annuelles s’enfoncent jusqu’à une profondeur de 35 centimètres, ce qui est au-dessous de la vérité, on trouve, pour le poids de la terre qui couvre les 10,000 mètres carrés d’un hectare, 4,000 tonnes de 1,000 kilos ; si enfin la terre renferme 1 millième d’azote combiné, un hectare en contiendra 4,000 kilos, et 8,000 si l’analyse avait décelé 2 millièmes. Une bonne récolte de betteraves ou de froment exige de 100 à 120 kilos d’azote, et la disproportion entre le stock de matières azotées du sol et les exigences des récoltes est telle, qu’on est stupéfait de voir qu’elles ne deviennent abondantes que lorsqu’on ajoute à cette énorme quantité d’azote les faibles proportions que renferment les 200 ou 300 kilos de nitrate de soude que les cultivateurs répandent au printemps sur chaque hectare de betteraves.


I

Cette contradiction : nécessité d’ajouter des engrais azotés, sur des sols déjà très riches en azote, a été l’occasion d’une grosse querelle qui a divisé les agronomes, il y a une cinquantaine d’années.

La découverte de la haute teneur en azote combiné des sols cultivés est due à Liebig ; elle arriva au moment où Boussingault et Payen, en France, essayaient de calculer la valeur des engrais d’après leur teneur en azote. Liebig attaqua vivement ce mode d’appréciation ; son raisonnement était spécieux : « Une tonne de fumier, disait-il, renferme 5 kilos d’azote ; l’épandage de 30 tonnes de fumier constitue une bonne fumure ; c’est donc 150 kilos que vous apportez ; quelle utilité peut-il y avoir à distribuer 150 kilos d’azote à un sol qui en renferme de 4,000 à 8,000 ? MM. Boussingault et Payen sont dans l’erreur, ce n’est pas l’azote qu’il renferme qui donne au fumier sa valeur ; le fumier n’est utile que par les matières minérales : acide phosphorique et potasse qui y sont contenues. »

La question était nettement posée, elle pouvait être résolue par l’expérience. Dès 1844, MM. Lawes et Gilbert s’engagèrent, à Rothamsted dans cette longue série d’essais qu’ils continuent encore aujourd’hui. Des parcelles de terre, bien homogènes, furent ensemencées des mêmes espèces végétales, les unes reçurent seulement des engrais minéraux : superphosphate de chaux, chlorure