pour endiguer ou détourner le courant socialiste, ce courant qui menace d’emporter les États et qui est une des vagues, la plus furieuse, la plus redoutable, de a la marée montante de la démocratie, » ce qui l’a conduit à parler au saint-père, — avec des périphrases, — de l’attitude du pape envers la République française, un des deux ou trois objets de sa visite.
Un secret à trois n’est jamais bien gardé. Le bruit courait à Rome, dans les cercles amis de la triple alliance, que Guillaume II porterait, comme monarque, à Léon XIII la protestation des monarchies ; qu’il serait respectueux, mais ferme et que, déchirant, s’il le fallait, les voiles, il montrerait au pape le spectre de la guerre : guerre sainte pour les dynasties, qui n’avaient plus que cette chance de salut et se trouvaient mises, grâce un peu aux complaisances du Vatican, dans la nécessité de vaincre ou de mourir. Il présenterait au pape, liées en un faisceau qu’on ne pouvait rompre, les quatre idées de socialisme et de démocratie, de république et de révolution. C’était là le péril pour les trônes et pour les nations, pour l’Église et pour l’Europe. En face de ce péril, les monarchies se devaient à elles-mêmes et devaient au monde de ne pas capituler sans combattre, mais il fallait qu’on leur en donnât les moyens, et l’empereur passait ainsi au second objet de sa visite.
Le centre allemand se refusait en partie à voter les nouveaux crédits militaires : que ferait le pape pour le déterminer ? Refuserait-il à l’empereur d’intervenir pour vaincre les hésitations ? Ne dirait-il pas à M. Lieber, aux catholiques bavarois, prêts à se séparer de M. de Huene, le mot décisif qu’il n’avait pas craint de dire, presque du haut de la chaire, aux catholiques français ?
Guillaume II a été pressant, éloquent ; quand il a eu fini, il a regardé Léon XIII, interrogeant des yeux ce pâle visage, ce front pâle, et voici, je suppose, ce qu’a répondu le vieillard non armé, vêtu de blanc, quel vecchio inerme, vestito di bianco :
« Sire, je l’ai dit il y a bien des années, lorsque j’étais évêque de Pérouse ; on ne peut pas, en vérité, ne pas s’émouvoir « de cette haine et de cette jalousie qui s’accroissent chaque jour davantage, qui envahissent l’âme de quiconque est petit et dépourvu de biens matériels contre quiconque est riche. » Je ne l’ignore pas et j’ai peur de « ces rugissemens de tigre. » C’est parce que j’en ai peur que j’ai écrit mon encyclique : De conditione opificum. Si la question sociale peut être résolue, elle le sera par les vertus que l’Église ne cesse de prêcher aux hommes, par un mutuel amour, un mutuel respect, des habitudes de justice et de charité.
« Vous dites : la guerre, sire, et moi, je dis la paix : la paix dans chaque nation et la paix entre les nations. Vous me reprochez ce que j’ai fait pour la République française, mais là encore je n’ai fait