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la balance très sensible de l’impression et du sentiment, la ligue de l’Europe centrale paraîtrait plutôt diminuée : l’attitude décidée du grand-duc Wladimir a fait opportunément contrepoids, et il n’est pas possible que l’archiduc Renier ne se souvienne pas de l’accueil glacial que les Italiens lui ont fait, accueil qui ne l’a pas dû surprendre, d’ailleurs, après les mesures énergiques prises par François-Joseph, au cours de la quinzaine précédente, contre les menées irrédentistes à Trieste et dans le Trentin.

3° Pour ce qui est de « la question romaine, » encore que les gazettes officieuses professent que le concours de tant de princes l’a, en fait, résolue et que la démonstration est acquise de la parfaite liberté dont jouit le saint-siège à Rome et de la coexistence paisible des deux pouvoirs, la conclusion qui s’impose à tout esprit non prévenu, c’est qu’elle demeure en l’état. En effet, l’empereur est allé au Vatican, le grand-duc Wladimir, le prince de Monténégro, le prince héritier de Grèce y sont allés, et si les autres se sont abstenus, c’est que le pape avait déclaré qu’il ne recevrait pas de princes catholiques, venus à Rome pour les noces d’argent. Le dissidio, le différend serait même devenu plus aigu, à en juger par le ton des polémiques qui n’ont jamais été aussi violentes.

4° Le prince de Naples est, assure-t-on, ou va être fiancé à la princesse Féodora de Schleswig-Holstein, sœur de l’impératrice Augusta-Victoria et belle-sœur de l’empereur[1]. Mais les difficultés n’en seront pas aplanies, au contraire, car la princesse est protestante, et de deux choses l’une : ou elle le restera, ou elle se fera catholique. Le statut ne porte pas expressément que la reine doit être catholique, mais son article 1er proclame, en dépit des restrictions ou des explications postérieures (notamment de la loi du 19 juin 1848), que a la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État. » — Or il se peut que les souverains italiens aient appris tous « les chemins, qui, de Rome, conduisent au pays de Luther ; » l’Italie telle qu’elle est, faite et forgée par l’Église catholique, ne les connaîtra pas de sitôt. Si, d’autre part, la princesse change de religion, l’Italie est le pays où, par la tyrannie des préjugés, on le lui pardonnera le moins.

Du point de vue allemand :

1° Ce mariage consoliderait l’alliance avec l’Italie et en ferait non plus seulement une métaphore, mais, dans la plénitude de l’expression, un pacte de famille. Il éterniserait l’alliance, mais faut-il dire la double ou la triple alliance ? Tu, felix Austria, nube. L’Autriche, qui ne marie plus, ne se méfiera-t-elle pas ? Ne se croira-t-elle pas exposée à faire, dans un temps plus ou moins rapproché, les frais de la dot ?

  1. Jusqu’à présent, la nouvelle de ce mariage n’a pas été officiellement confirmée.