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relatif à la vallée du M’Bomou, au nord de l’État indépendant du Congo ? Mais ce dont il faut demeurer persuadé, c’est qu’il est impossible d’étendre son domaine par le globe, sans accroître aussi ses chances de conflit, ses difficultés de tout genre. On doit en prendre son parti une fois pour toutes. L’Angleterre, qui tient le premier rang pour l’expansion coloniale, a sans cesse de nouvelles affaires sur quelque point du monde, auxquelles elle consacre philosophiquement sa peine et son argent. « Qui a beaucoup de terres a beaucoup de procès, » disait-on sous l’ancien régime ; le proverbe est aussi vrai pour les peuples que pour les particuliers.

Si l’on redoute les embarras extérieurs, il faut imiter les États-Unis, qui viennent de prouver une fois de plus qu’ils entendaient pratiquer une politique exclusivement continentale. C’est ainsi que le président Cleveland s’est habilement dégagé des embarras que lui léguait l’impatience annexionniste de son prédécesseur et que, sans attendre les récriminations des puissances maritimes, amenant la bannière étoilée imprudemment hissée sur une terre neutre, il a restitué les îles Hawaï aux Hawaïens. Il a eu d’autant plus de mérite à le faire que la proie semblait plus tentante, et que l’opinion publique, un moment égarée, s’était montrée favorable à l’annexion.

Cette présidence de Grover Cleveland débute, il faut le reconnaître, sous les auspices les plus favorables. À peine en possession du pouvoir depuis quelques semaines, le premier magistrat des États-Unis a reçu la visite des escadres de l’Europe dans les eaux américaines ; quarante-deux navires de guerre, battant pavillons français, anglais, russe, allemand et italien, évoluaient le 26 avril dernier dans la rade de Hampton Roads, l’une des plus vastes du monde, aux applaudissemens d’une foule enthousiaste. Quels souvenirs cette rade et la côte de Long-Island qui l’avoisine, témoins des guerres sanglantes de l’indépendance, devaient remuer ce jour-là au cœur des patriotes américains ! Et de quel honorable orgueil ne devaient-ils pas être envahis quelques jours plus tard, à l’ouverture de l’exposition de Chicago, — Worlds Columbian Exposition, — dans un cadre incomparable, en face de cette White City, ainsi qu’on a baptisé l’ensemble de ces constructions éphémères et gigantesques, où le chemin parcouru en un siècle par la jeune nation est rendu palpable par une énorme « leçon de choses ! »

Si la présence, aux côtés du président Cleveland, du duc de Veragua, le onzième descendant de Christophe Colomb, rappelait aux assistans le nom du grand descobridor à qui ils devaient la terre qu’ils foulaient sous leurs pieds, la nation française, dont l’appui aida si fort à l’établissement de la liberté politique sur ce sol aujourd’hui débordant de vie, n’était pas, croyons-nous, oubliée. Nous n’en voulons pour preuve que le discours tenu, presque à la même heure, à l’Elysée, par M. James