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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/502

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envoyé par l’Empereur au secours du gouvernement des Pays-Bas ; qui commandera cette armée, si ce n’est M. le Prince ? lui-même l’annonce, d’un ton assez dégagé, il est vrai, et qui masque imparfaitement le peu de foi qu’il ajoute à la nouvelle : « Ce n’est pas que je veuille en faire mon capital ; mais il y a toujours du plaisir à commander un corps considérable[1]. »

Et pourquoi ne serait-il pas capitaine-général dans les Flandres, seul chef d’une armée relevée, renforcée ? Don Juan est parti en disgrâce (mars 1659). L’archiduc Sigismond, qui devait le remplacer, ne vient pas[2]. Fuensaldana, dont on reparle, est « aujourd’hui bien amendé, reconnaissant le tort qu’il a eu de ne pas s’entendre avec V. A.[3] ; » assurément il ne disputera pas le commandement à Condé. Déjà Caracena, qui est encore là et qui peut-être restera en place, abandonne à M. le Prince la présidence des « juntes » (conseils de guerre), et « proteste qu’il n’aura pas de plus grande joie que de servir sous un sy grand capitaine[4]. »

Voilà ce que Condé laisse dire, répand lui-même, fait savoir partout, à ses agens, à ses amis. Ce sont de beaux semblans, mais qui ne soulagent pas la profonde tristesse de son cœur. Le capitaine est désarmé. Son attention ne s’attache plus aux choses de la guerre que par un reste d’habitude et le sentiment du devoir ; ce sont des opérations d’un autre genre qui fixent, retiennent aujourd’hui l’activité de son esprit. Il n’agit, parle, écrit que pour seconder les amis qui depuis assez longtemps, et non sans péril, travaillent, en France même, à son rétablissement, ou, si ceux-ci échouent, s’ils demeurent impuissans, pour défendre ses officiers, ses troupes, ses serviteurs, fournir des argumens aux négociateurs officiels ou officieux qui vont s’efforcer de le faire comprendre, — l’honneur sauf, — dans le traité de paix entre les deux couronnes, traité dont le prélude est la suspension d’armes conclue le 8 mai 1659[5].


H. D’ORLEANS.

  1. M. le Prince à Lenet, 18 janvier 1659. (Bibliothèque nationale.)
  2. L’archiduc Sigismond à M. le Prince ; Inspruck, 21 décembre 1658. A. C. Il annonce qu’il est désigné pour gouverner les Flandres. — Le 22 février 1659, Condé écrit à Lenet qu’on ne parle plus de l’arrivée de l’archiduc ; en effet, il ne vint pas.
  3. Caracena à M. le Prince, 23 octobre 1658. A. C.
  4. M. le Prince à Lenet, 22 février 1659. B. N.
  5. Le 12 mai 1659, Condé ordonne à Guitaut de faire publier la suspension d’armes dans ses quartiers : — « C’est le premier acte de suspension qui fut fait du côté des Espagnols et de M. le Prince, » — écrivit Guitaut en marge de la lettre de Condé. (Archives d’Êpoisses.)