Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/575

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’artiste, nous ont permis de pénétrer aussi plus intimement dans la vie privée de Huygens. Je voudrais aujourd’hui profiter de tous ces travaux pour étudier, sous ses divers aspects, l’activité vraiment merveilleuse de ce Hollandais qui fut l’ami de Descartes et de Corneille et qui, pendant le cours de sa longue carrière, professa toujours une vive sympathie pour la France,


I.

Là famille de Huygens jouissait d’une grande considération. Ses ancêtres, originaires du Brabant, étaient nobles et habitaient une espèce de château entouré de fossés. Cornelis Huygens, son grand-père, vivait avec sa femme à Terheyde, près de Breda, dans une certaine aisance. Le cinquième de leurs enfans, Christian, vint au monde après la mort de son père, et, comme il perdit également sa mère cinq ans après, des amis qui l’avaient recueilli surveillèrent ses études à Breda, puis à Douai, où il fut envoyé. Guillaume d’Orange appréciait son intelligence et sa sûreté et après avoir été chargé par lui de missions difficiles, Christian était devenu à l’âge de vingt-sept ans son secrétaire. Après l’assassinat du Taciturne, en 1584, il était nommé secrétaire des États, et, en 1592, il épousait Suzanna Hoefnagel, une jeune fille dont la famille avait quitté Anvers à la suite des persécutions exercées dans le pays par le duc d’Albe. Christian avait eu, comme son père, six enfans, dont les deux premiers seuls étaient des fils. L’aîné, Maurice, qui devait lui succéder dans sa charge, avait un an de plus que son frère Constantin qui, ainsi que lui, naquit à La Haye (4 septembre 1596).

Suivant une habitude du temps à laquelle la plupart des membres de la famille restèrent fidèles, les parens de Constantin tenaient un journal dans lequel étaient brièvement mentionnés, avec leurs dates, les principaux événemens de leur vie domestique. Si succinctes que soient ces notes, elles nous valent de précieux renseignemens sur la manière de vivre de cette famille, et nous y relevons de nombreux témoignages du soin que les parens prenaient de l’éducation de leurs enfans, de la précocité et de l’ardeur que ceux-ci apportaient à leurs études. Plus tard, Constantin, cherchant à rassembler ses souvenirs pour son autobiographie, empruntait à ce mémorial les indications qu’il contient sur sa première enfance, et ces détails naïfs montrent déjà l’esprit d’exactitude qu’il devait apporter en toutes choses. Comme son frère Maurice, il avait très facilement appris à lire et acquis la belle écriture qu’il conserva toute sa vie. Son intelligence et sa bonne tournure lui avaient, d’ailleurs, valu l’affection de la veuve du Taciturne, Louise de Coligny, qui le faisait quelquefois venir auprès d’elle. Dans la