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l’ambassadeur présente son secrétaire au vieux doge, Antonio Priolo, qui paraît fort surpris d’entendre celui-ci converser avec lui dans sa propre langue et en fort bons termes. À raison des engagemens qu’elles avaient déjà contractés l’une et l’autre, l’alliance projetée entre la plus jeune et la plus vieille des républiques de l’Europe ne put aboutir ; mais le temps que Huygens passa à Venise avait été bien employé par lui, à voir la ville elle-même, ses arsenaux et ses monumens, à contempler ses œuvres d’art et à fouiller ses bibliothèques. Les négociations terminées, l’ambassade allait reprendre le chemin de la Hollande. Huygens sentait bien que c’était là une occasion de visiter l’Italie qui ne se représenterait plus pour lui ; il avait donc écrit à son père pour lui demander de pousser jusqu’à Florence, Rome et Naples. L’autorisation lui ayant été refusée, il fallut revenir avec Aerssen, cette fois par Bâle et Strasbourg, dont la cathédrale excita son admiration. À son retour à La Haye, le 7 août, l’enfant chéri avait été accueilli avec joie par tous les siens, heureux de le voir rentrer sain et sauf au foyer de famille.

Constantin ne demeurait pas longtemps à la maison paternelle. Dès le 23 janvier 1621, il est attaché une fois de plus à une ambassade envoyée en Angleterre avec F. Van Aerssen qui, ayant sans doute apprécié les services qu’il lui avait rendus à Venise, le choisit encore pour secrétaire. Son séjour en Grande-Bretagne devait se prolonger un peu plus longtemps et Huygens y restait jusqu’en février 1623. Il en avait profité pour étudier la Littérature contemporaine et il s’était même essayé à faire des vers anglais. Bien que la mission, qui avait trait surtout à des affaires commerciales, eût assez mal réussi et que le roi Jacques ne se fût même pas toujours montré courtois vis-à-vis des ambassadeurs, Constantin avait été distingué par ce souverain qui le faisait chevalier. Le 22 octobre, il recevait le brevet dans lequel étaient rappelés les bons souvenirs laissés par son père en Angleterre, et le 27 du même mois, on lui donnait l’accolade. Peut-être le cheval qu’il montait ce jour-là était-il assez fringant, car à la suite de la note où est rapportée cette distinction, nous voyons qu’il avait jeté bas son cavalier.

L’année 1624 devait apporter des changemens considérables dans la vie de Huygens. Christian, son père, souffrait de plus en plus de la goutte qui allait bientôt l’emporter. Il avait eu pourtant la joie de voir, au début même de cette année, le 7 janvier, son fils Maurice appelé aux fonctions de secrétaire du conseil des États. C’était là une première satisfaction et une récompense bien légitime des soins que ce digne père avait donnés à l’éducation de ses enfans. Quant à Constantin, s’il n’occupait pas encore de position officielle, du moins, grâce à son intelligence et à ses diverses