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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/596

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les réminiscences mythologiques foisonnent sous sa plume, alors que, dans une lettre évidemment faite pour être montrée, il informe Huygens de la mort de sa femme. Il s’y compare longuement à Apollon sans Leucothoé ; il voudrait, comme Orphée, arracher son Eurydice à Cerbère ; il noircit les marges de ses livres des réflexions que lui inspire son chagrin.., il ne peut arrêter ses larmes et il en couvre le seuil de sa maison, sa table, le lit nuptial. En le voyant ainsi pleurer pour la galerie, il est d’autant plus permis de suspecter la sincérité d’une douleur si bruyante et aussi expansive, que, six mois après, ce veuf trop facilement consolé songeait à se remarier et courtisait la belle Tesselschade.

Les sentimens de Huygens étaient plus profonds et ses douleurs moins littéraires. Sans tant parler aux autres de sa peine, nous avons vu qu’il y restait fidèle et conservait pieusement en son cœur ses affections et ses regrets. Très supérieur à van Baerle par l’éducation aussi bien que par les dons naturels, il dépassait également, comme valeur morale, ce petit cercle où les commensaux de Hooft échangeaient entre eux des admirations et des éloges trop complaisans. Chez lui aussi, sans doute, on retrouve quelque chose de la préciosité qui, en Hollande comme en Italie, en Angleterre et en France, régnait à ce moment dans la littérature. Constantin, dans ses écrits et surtout dans ses vers, n’est pas exempt de ces périphrases péniblement contournées, ni de ces jeux de mots hasardeux qu’on rencontre si fréquemment chez les beaux esprits de ce temps. Il se plaît à des allitérations qui ne sont, à vrai dire, que des calembours approximatifs et il a des formules de politesse tellement entortillées, qu’on se demande comment il en pourra sortir ; on dirait de ces labyrinthes alors si en vogue dans les jardins. Mais c’étaient là, en somme, des défauts très répandus, et il convient de se rappeler que les poésies de Huygens n’étaient pour lui que le passe-temps d’une vie fort occupée. Avec une verve et une facilité excessives, il essaie tous les rythmes et s’exerce tour à tour dans toutes les langues. Tantôt c’est une suite de vers formés de mots d’une seule ou de deux syllabes ; tantôt à des vers hollandais il entremêle, à intervalles réguliers, des vers latins, grecs, italiens, français ou anglais ; mais il n’a pas d’autre prétention que de se distraire, de se détendre. Ce sont, en général, des pièces assez courtes, à peu près improvisées ; ou de petits poèmes écrits pour la plupart, avant qu’il fût en possession de sa charge de secrétaire. Dans quelques-uns comme le Voorhout où il parle du Bois de La Haye, ou dans celui que plus tard il consacre à son cher Hoofwyk, on sent un amour sincère de la nature, malheureusement un peu déparé par d’assez nombreuses digressions scientifiques ou morales, et par les réminiscences