rebus, un rien lui suffit pour chercher une grosse querelle, » une querelle d’Allemand, c’est de tradition. « Il dérange tout le monde, lance l’écume de son verre dans le nez du voisin, lui souffle son vin à la figure. Que l’on se fâche, qu’on le contredise seulement, il prend sa grosse voix, sa voix de Stentor, vomit des menaces épouvantables et met flamberge au vent. «Pour être vieille de trois siècles, la caricature ne manque pas d’actualité.
Au demeurant, notre homme « casse les verres et les pots, défonce les vitres, — c’est un moyen d’inscrire ses armes sur les vitraux, comme fait la noblesse ; — il danse sur les chaises, les brise et s’empare des morceaux pour mettre le poêle en pièces. Dans la rue, il accoste les femmes, insulte les passans, les provoque l’épée à la main, lance des pierres dans les fenêtres, empêche les gens de dormir, et rosse sa femme en rentrant. »
Ainsi va Grobianus, triomphant et sans gêne, de la première à la dernière page. Chemin faisant, il formule quelques maximes judicieuses : « Ne cède à aucun, méprise tout le monde et n’aie cure de personne. Fais ce que tu veux et dis ce qui te plaît ; si l’on te blâme, ta conscience t’approuve et ses éloges te suffisent. Ne te soucie pas de plaire aux autres ; personne ne peut plaire à tout le monde dès lors à quoi bon essayer ? » c’est un cours complet de morale indépendante.
Le chapitre De moribus puellarum n’est pas moins riche en conseils pratiques, mais difficiles à faire passer dans notre langue. J’en dirai autant des articles De ructu vomitu, crepitu, screatu et aliis elegantiis ; je les recommande à nos romanciers : ils y trouveront certains tableaux faisandés, d’une belle couleur, et des documens humains à combler de joie le naturaliste le plus difficile.
Dedekind méritait qu’on le tirât de l’oubli ; c’est un précurseur.
EDMOND BONNAFFE.