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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/655

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LA NAVIGATION AÉRIENNE.

poserait à donner un gage. Rien ne prouve que l’homme, rivé au sol, est forcément impuissante s’élever dans l’air. Mais sera-ce avec des ailes ? C’est par des procédés très différens de ceux employés par la nature que l’homme jusqu’ici a pu rivaliser avec elle. Le grand Stephenson n’a jamais songé à faire un cheval à vapeur, et l’homme mécanique dont on annonçait qu’un artisan de Nuremberg, je crois, venait d’achever la construction, n’a été, au dire même du journal qui racontait le fait, qu’une fort pauvre machine. Il est donc probable que l’homme, s’il y parvient, se soutiendra et circulera dans les airs par d’autres moyens que ceux dont dispose l’oiseau. Le ballon dirigeable vient à l’appui de cette présomption ; et ses partisans, satisfaits de ses progrès, seraient peut-être d’avis qu’on s’en tînt là, au moins pour quelque temps. Il n’en est pas moins intéressant de chercher comment un corps lourd peut se soutenir dans l’air, et de fournir à l’aviation quelques renseignemens sur les conditions auxquelles ses appareils devront d’abord satisfaire.


L’air, l’eau, tous les fluides en général, opposent une certaine résistance au mouvement des corps qui s’y meuvent. Tout le monde en fait chaque jour l’expérience. Bateliers et marins, — et aussi les bicyclistes, — l’éprouvent plus que personne. Des expériences récentes ont démontré que l’air oppose à la marche d’un train express une résislance qui, pour être vaincue, exige le travail de près de cent chevaux-vapeur. Ce qui, soit dit en passant, montre que la vitesse en chemin de fer est chose coûtant fort cher. Se mouvoir dans un fluide, c’est, en définitive, se frayer un chemin au milieu des molécules qui le composent, les refouler en avant, les contraindre à se disperser à droite et à gauche, à revenir enfin en arrière pour y combler le vide que laisse le sillage. Il faut détruire momentanément la cohésion qui tient en équihbre tous ces atomes, vaincre la puissance d’attraction qu’ils exercent réciproquement l’un sur l’autre. Et l’on comprend que l’effort à produire pour obtenir cet effet, pour s’ouvrir ainsi la route, ne va pas sans quelque travail.

Pour pouvoir poser d’une façon rigoureuse les conditions du problème de la navigation aérienne, il serait fort utile, disons plus exactement, il serait nécessaire de connaître à l’avance quel travail il faudra développer, ce qui permettrait de déterminer la puissance dont devra être armé le navire aérien. — Mais on n’en est pas encore là. — On sait bien que tout corps en mouvement dans l’air subit une pression sur la face avant ; que cette pression augmente rapidement avec la vitesse ; qu’elle se modifie avec les dimensions et les formes du corps en mouvement, avec le plus