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on l’envoya chercher, et, dès le soir, tout se trouva à peu près convenu. Afin d’abréger, on avait des deux parts jugé convenable d’adopter les conditions stipulées pour le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette. La convention fut signée, le 7 février, par le prince de Schwarzenberg et le duc de Cadore. Il fallait les ratifications de Vienne, elles ne se firent pas attendre, et, le 27 février, l’empereur fut en état de communiquer au sénat sa convention de mariage. Il annonça en même temps que le prince de Neufchâtel était déjà parti pour demander la main de l’archiduchesse Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche. Dès le 25, on avait fait paraître au Moniteur le décret qui nommait la maison de la future impératrice. La composition de cette maison mérite d’être remarquée par l’habileté avec laquelle toutes les convenances y étaient observées, tous les intérêts ménagés. La place de grand aumônier était donnée à un archevêque du nom de Rohan, un Beauharnais était nommé chevalier d’honneur. Parmi les dames, les noms de Mortemart, de Montmorency, de Bouille, de Vintiraille, de Canisy, se trouvaient mêlés à ceux de Bassano, de Rovigo, de Duchâtel, de Lauriston.

Les grandeurs nouvelles étaient ainsi rehaussées par les grandeurs anciennes, et la maison de Joséphine même avait aussi ses représentans. Mais toutes ces dames étaient précédées par une femme à laquelle personne n’avait pensé et qui sans doute était restée fort tranquille, alors que tant d’ambitions s’agitaient pour monter au rang de dame d’honneur qui lui fut réservé. Cette femme était la duchesse de Montebello, veuve du maréchal Lannes, tué à la bataille d’Essling.

Un tel choix était le plus éclatant témoignage de reconnaissance qu’il fût possible de donner à la mémoire d’un des plus braves et peut-être du plus regrettable pour Napoléon de tous les généraux que la guerre avait moissonnés à ses côtés. C’était la plus belle part qu’il pût faire à son armée, et toutes les prétentions étaient obligées de se taire devant une faveur ainsi justifiée. Elle tombait d’ailleurs sur une personne d’une conduite irréprochable, dont l’extérieur n’aurait déparé aucune cour et dont les manières, malgré son origine peu aristocratique, avaient un calme qui ne manquait ni de grâce ni de noblesse. Elle a eu, au suprême degré, le don de plaire à sa princesse.

La nouvelle impératrice arriva à Compiègne le 28. L’empereur attendait sa nouvelle épouse avec assez d’anxiété. Accoutumé à toutes les faveurs de la fortune, il aurait voulu que la princesse qu’elle prenait soin de lui amener joignît aux avantages de sa haute naissance celui d’un extérieur au moins agréable ; et il se fiait peu aux récits qui lui avaient été faits à cet égard, même aux portraits