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mes correspondans m’ont signalé cette même lenteur à retrouver une position.

Le nombre de coups joués par partie, dans le jeu sans voir, est assez difficile à indiquer ; dans les séances de huit à dix parties, on ne publie que les plus remarquables, et les autres sont jetées au panier. D’autre part, quand une des huit ou dix parties menace de se prolonger, celui qui la tient, voyant qu’il reste seul, abandonne prématurément le combat ou demande la nullité, par simple politesse, pour éviter toute fatigue inutile au joueur. Il n’y a qu’un seul maître dont on ait conservé intégralement toutes les parties, c’est Morphy ; la moyenne des coups, calculée sur vingt-quatre de ses parties, a été de trente.

Comme la longueur de ces combats peut paraître fastidieuse pour le public, souvent ignorant et frivole, qui forme la galerie, on cherche à en relever l’attrait par quelque diversion ; ainsi les joueurs ont l’usage de réciter à un certain moment tous les coups joués sur l’échiquier depuis le commencement de la séance, et les secrétaires contrôlent sur leur procès-verbal l’exactitude de la répétition. On nous écrit qu’au milieu d’une séance M. Goetz a pu répéter presque sans hésitation les trois cent trente-six coups qui venaient d’être joués.

Le nombre des parties menées simultanément augmente grandement la difficulté ; nous avons dit que beaucoup d’amateurs sont capables de jouer sans peine une partie, et que les professionnels ont pu en jouer dix, quinze et seize ; le nombre de seize, atteint une fois par Zukertort, n’a pas été dépassé. Cette limite dépend de la force physique des joueurs, au moins autant que de l’étendue de leur mémoire ; le jeu sans voir exige une concentration de l’attention, qui, au bout de six à huit heures, devient douloureuse et fatigante ; aussi comme il faudrait prolonger la séance davantage pour terminer quinze parties, on a renoncé à dépasser ce chiffre. Cependant, M. Rosenthal, M. Goetz, M. Blackburne et bien d’autres pensent qu’on pourrait jouer trente et quarante parties à l’aveugle, à la condition de le faire en plusieurs séances avec des repos ; on ne jouerait que quelques heures par jour ; pendant les intervalles des séances, les joueurs seraient surveillés assez étroitement pour qu’il leur fût impossible de se servir d’aucune note.

Laissons là le nombre des parties jouées simultanément, et indiquons une question connexe qui présente un grand intérêt ; la mémoire des joueurs peut montrer sa puissance sous une autre forme, par l’annonce des mats ; il est des cas où il est plus difficile d’annoncer le mat d’une seule partie que d’en jouer six simultanément, sans rien annoncer. Voici en quoi consiste l’annonce du mat.