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principalement, jouissent de la propriété de vivre fort bien dans un sol pauvre en nitrates, et de prendre à l’air ambiant l’azote dont elles ont besoin, grâce à des microbes particuliers qui vivent sur leurs racines. Supprimez les microbes et la plante végète médiocrement ; permettez ou favorisez l’accès des microbes en arrosant avec de l’eau où de la terre arable a séjourné quelques heures, et aussitôt la plante est prospère. Mieux encore : plantez deux légumineuses dans un sol stérilisé, et, comme l’a fait M. Bréal, du Muséum, inoculez à la racine de l’une, au moyen d’une aiguille fine, un peu du liquide plein de microbes qui remplit les nodosités d’une racine de légumineuse prospère, et aussitôt le plant correspondant devient florissant, alors que celui qui n’a point été inoculé demeure chétif. La démonstration est victorieuse : les microbes des racines des légumineuses sont des agens de fixation de l’azote dans les végétaux. Une voie nouvelle s’est ouverte à l’agronomie, et on découvrira sans doute dans cet ordre d’idées imprévu des faits du même genre. Pour nous, il nous suffit de savoir que l’azote atmosphérique est fixé par les plantes. Et comme nous savons que les alimens azotés sont nécessaires aux êtres supérieurs, et que ces alimens sont invariablement, en dernière analyse, fournis par les plantes, nous pouvons conclure que l’azote de l’air est un facteur indispensable de la vie des animaux aussi bien que des végétaux. Gaz inerte et, au premier abord, inutile, il joue cependant un rôle capital dans la nutrition de tous les êtres. Sans azote, pas d’alimens, pas de plantes, pas de vie : telle est notre conclusion légitime.

Il convient d’ajouter que l’azote n’est pas fourni aux végétaux exclusivement par l’air : les nitrates et l’ammoniaque en fournissent également ; mais ces composés eux-mêmes se forment aux dépens de l’azote atmosphérique, et notre conclusion demeure entière.

Nous en venons maintenant à l’acide carbonique. Celui-là, nous le savons, est un élément nuisible au premier chef, et nul doute que nous ne trouvions que des méfaits à lui imputer. Nuisible, il l’est : nous avons hâte de le rejeter hors de notre organisme ; il est irrespirable, et les plantes, aussi bien que les animaux, meurent dès qu’elles se trouvent dans un milieu qui en renferme même une proportion relativement faible. De l’air contenant 1 pour 100 d’acide carbonique produit déjà des troubles dans l’organisme, et à 10 pour 100 ce gaz met la vie en danger ; la mort est une affaire de temps. En effet, le sang chargé d’acide carbonique est nuisible aux tissus ; et quand nous respirons dans une atmosphère riche en acide carbonique, les globules sanguins ne se débarrassent qu’incomplètement de l’acide carbonique qu’ils ont recueilli dans