l’Autriche qui avait nommé son fils archevêque de Besançon, lui-même maréchal de Bourgogne ; — Mercurin de Gattinira, né dans le Piémont, mais Comtois d’origine, président du parlement de Dole, savant jurisconsulte, diplomate éminent, homme énergique, d’une équité inflexible, calme dans le danger, s’appliquant à montrer que Marguerite est dame de justice, résolue à administrer sans laveur ou dissimulation : ce précurseur de Michel de l’Hôpital organise sa compagnie, contient le maréchal qu’il force à partager l’autorité, réprime à coups de condamnations l’audace des seigneurs ; on le menace, on le calomnie auprès de Marguerite, on l’accuse d’entretenir de secrètes intelligences avec la France, les nobles portent plainte à l’empereur contre sa fille, contre les hommes de néant qui gouvernent le pays ; trois ans et plus, il fait face au danger ; ébranlée, prise elle-même d’inquiétude, l’archiduchesse le prie de se démettre, il refuse ; destitué, frappé de disgrâce apparente, il se retire quelques mois dans un monastère, et, élevé à la dignité de grand chancelier, cardinal, investi de la confiance de l’empereur, il protège plus efficacement ce parlement que l’aristocratie avait cru briser avec lui. Rois et peuples comprennent d’ailleurs que celui-ci représente l’idée de devoir, d’ordre, de sécurité et de respect pour l’autorité légitime.
Le parlement eut aussi maille à partir avec les États qui lui reprochaient la périlleuse instabilité de ses doctrines, ses divisions, une vénalité honteuse, une basse cupidité : son grand protecteur, le cardinal de Granvelle lui-même, constate que le désordre de la justice a besoin de sérieux remèdes ; « la cour, écrit-il, consent à son propre abaissement, et je vois son autorité tomber par terre. » Enfin, voici un dernier conflit de l’épée et de la robe : mettant à profit l’éloignement du souverain, le grand âge ou la faiblesse de certains gouverneurs, le parlement avait fini par accaparer toute la direction politique : seul, il correspondait avec le comte de Montbéliard, avec les cantons suisses, le duc de Lorraine, les ministres du roi d’Espagne à Bruxelles et Madrid, quelquefois même avec la diète germanique à Ratisbonne. L’usurpation de ces bourgeois en rabat indignait fort le comte de Champlitte, gouverneur de la province, qui prétendit revendiquer les droits de sa charge tombés en désuétude, et tout d’abord adressa à Bruxelles un mémoire, demandant que le parlement se renfermât dans sa fonction naturelle, la justice, peignant fortement les inconvéniens de l’état actuel, les procès en souffrance, le secret des affaires mal gardé, et par exemple l’impéritie de la cour amenant en 1595 la guerre avec la France ; enfin il rappelait l’exemple de Charles-Quint qui écarta ce corps des négociations extérieures pour consulter de préférence le gouverneur et les