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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/157

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miraculeuses de Faverney, et ils l’implorent avec confiance ; pendant près de trois mois, ils soutiennent un siège terrible qui coûte aux Français six cents officiers, quatre mille cinq cents soldats ; sept fourneaux de mines jouent inutilement, et inutilement encore l’assiégeant leur envoie dix mille coups de canon et cinq cents bombes, invention due aux Hollandais, ajoutée, dit Boyvin, de notre âge aux autres que l’enfer a vomies pour l’extermination du genre humain. Les munitions commencent-elles à manquer, ils bourrent leurs pièces avec de vieux procès, ce qu’ils appellent gaîment : faire plaider la cause à leurs canons ! Un milicien rentrant avec un manteau écarlate sur les épaules, après une sortie faite avec le capitaine de Grammont, s’écrie fièrement que, sorti paysan de la ville, il revient gentilhomme ; les femmes travaillent aux ouvrages avancés sous une grêle de balles, et l’une d’elles remplit tranquillement son panier de pierres qu’apportait sa compagne coupée en deux par un boulet ; des garçons de treize à quatorze ans, qui vont couper de l’herbe, désarment et ramènent prisonniers des soldats français. Que d’épisodes pathétiques, où l’horrible, hélas ! côtoie souvent le sublime : la jeune comtesse de Saint-Amour défendant sa petite ville contre Longueville, comme la dame d’Oiselay avait lutté contre d’Amboise ; — le capitaine Dusillet pendu à l’une des tours du donjon de Rahon défendu par lui ; — la famine sévissant si âprement que les charognes des bêtes étaient recherchées aux voiries, « mais cette table ne demeura pas longtemps servie, » si bien qu’on dut manger « plus de cinq cents corps humains pendant ces malheurs, » le prix du blé décuplé dans les places de guerre, et dans tout le plat pays aucune moisson, hormis à la portée d’une arquebuse autour de Dole ou de Gray ; — les jeunes filles de Montfort montant aux créneaux, chapeau sur la tête et moustaches pendantes, comme les gars, si bien que les Français les prirent pour jeune noblesse ; puis la terrible campagne de Bernard de Saxe-Weimar dans les montagnes, l’incendie, le massacre promenés de tous côtés, les cloches des églises, des abbayes et jusqu’aux ferrures des portes, avec les objets sacrés, enlevés sans merci par les Suédois et les Allemands du duc, beaucoup d’habitans contraints par la torture à révéler les endroits où ils cachaient leurs reliques (singulier moyen de se concilier la sympathie d’un peuple dont il espérait devenir le souverain) ; la belle résistance de Morteau, Pontarlier, Nozeroy, son échec devant Salins et Pontarlier ; — le siège de Vesoul par Turenne, sa capitulation et son triste sort en 1644, la prise de Melisey malgré l’héroïsme des sires de Grammont. — Et, dans la montagne, Lacuzon et d’Arnans, rapides comme l’éclair, insaisissables, adorés de leurs partisans, toujours en embuscade, harcelant l’ennemi, lui tuant ses éclaireurs, ses détachemens isolés,