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que cette sculpture, visant au grandiose, surchargée de souvenirs classiques. Il serait injuste de n’y pas reconnaître de la verve, de la passion même, de la force et du savoir, toutes qualités estimables en dehors de la mode. MM. Holweck et d’Houdain, qui ont toujours aimé la turbulence et la vie, continuent la série de leurs groupes mouvementés, l’un par une lutte de deux Sylvains se disputant une proie, l’autre par un combat acharné de deux hommes préhistoriques maniant des armes rudimentaires de l’âge de pierre. L’exécution de MM. Holweck et d’Houdain est parfois un peu rude, grosse et sommaire ; mais ils savent entremêler, en sculpteurs, leurs figures agitées et montrer, sans gaucherie et sans emphase, le déploiement de leurs forces musculaires. La Faim, par M. Durnbauer, de Vienne, est encore un combat corps à corps de deux hommes efflanqués et exaspérés ; on y reconnaît la facture précise, nerveuse, serrée, mais aussi un peu sèche et froide, de l’École autrichienne. La Fable et la Vérité, par M. Godet, montre d’excellentes intentions, des intentions d’un ordre élevé, dans l’arrangement des deux figures, mais peut-être le sujet, littéraire et anecdotique, comportait-il des dimensions moins héroïques et un style plus familier ; c’est la même pensée qui vient à l’esprit devant le Triomphe de Bacchus (une Bacchante, au pied d’un terme du Dieu, poussant du pied à terre un prêtre païen, obèse et ivre), modelé, avec une désinvolture très italienne, par M. Bocchino, et aussi devant la jolie fantaisie de M. Allard, le Piège (Vénus, les yeux bandés, conduit, par l’Amour souriant, vers quelque guêpier). Ce groupe, conçu et exécuté avec esprit, dans le goût français du XVIIIe siècle, comme quelques œuvres antérieures du même artiste, semble appeler la reproduction en biscuit de Sèvres ; c’est dire qu’il ne perdrait rien à se rapetisser un peu, même en marbre.

Pour donner une idée à peu près complète du Salon, il faudrait citer encore quelques projets d’ouvrages décoratifs, quelques figures d’étude, un grand nombre de bustes, médailles et plaquettes. Parmi les projets décoratifs, celui de M. Hugues, la Nymphe de la source, assise à moitié, la jambe droite allongée, sur le bord d’un sarcophage antique servant de bassin à la source, l’autre pied traînant à terre, présente un aspect à la fois plastique et pittoresque des plus heureux et assez neuf. Parmi les statues achevées, ayant une destination décorative, celle de M. Coutan pour la Bibliothèque nationale, la Calligraphie, bien qu’un peu chargée de draperies et dans une posture incommode, ce semble, pour calligraphier, mérite l’attention par la grandeur générale de l’allure et la liberté de l’exécution. La figure discrètement expressive