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Peixoto, qui prétendait restaurer « l’empire de la légalité. » Le général des révoltés s’est réfugié, avec ses soldats, sur le territoire de l’Uruguay, que le gouvernement de Rio-Janeiro accuse d’avoir favorisé, sinon fomenté, le mouvement. Il est d’ailleurs à craindre que la paix actuelle soit de courte durée, sur ce point extrême de la grande république du Sud, longtemps désolée par le pillage, le vol et l’assassinat, si l’on tient compte des mécontentemens soulevés par le gouverneur actuel du Rio-Grande, M. Castilhos, et par sa bizarre constitution « positiviste. »

Dans le Honduras, où la lutte s’éternisait, où le président Aguaro était virtuellement prisonnier de ses propres partisans à Tegucilgapa, en proie à la terreur et à l’anarchie, le gouvernement a fini par avoir le dessus, mais le chef de l’État a dû résigner ses pouvoirs entre les mains du chef de l’armée, le général Gassiez. Au Venezuela, Crespo etRojas Paul, unis pour renverser Palacio, ne le sont plus pour le remplacer et s’accusent de trahir la cause commune. À Lima, les élections présidentielles ont été le signal de troubles graves, entre les partisans du général Cacerès et ceux de Pierola.

Au Chili, le président Montt vient à peine d’échapper au coup de main tenté contre lui par les amis de l’ancien dictateur Balmaceda, et il a dû mettre en état de siège quatre provinces de la république. À l’extérieur, la vieille question des limites chilo-argentines, discutée sans résultat depuis plus de trente ans, a été sur le point de susciter une guerre entre les deux pays. Comme si ces nations n’avaient pas besoin de toutes leurs forces pour lutter contre les maux politiques et financiers qui les minent intérieurement ! En ce qui touche la république Argentine, le président Saënz Pena est particulièrement intéressé à terminer cette affaire des limites, s’il veut relever un peu son prestige, fort amoindri par les événemens de Corrientes et de Catamarca. Ces deux provinces, en effet, continuent à être en révolution, et le président, dans son message du mois dernier, s’en remet au congrès du soin de décider les mesures qu’il faudra prendre pour mettre fin à cette situation anormale. On ne sait encore si le nouveau cabinet qui vient d’entrer en fonctions à Buenos-Ayres, et par lequel M. Saënz Pena vient de remplacer proprio motu ses anciens ministres, montrera à cet égard plus de vigueur.

Spectatrice attristée de dissensions incompréhensibles pour elle, l’Europe, qui a prêté à ces républiques hispano-américaines les milliards nécessaires à la mise en valeur de leur sol, s’inquiète et se demande si elle ne s’est pas trompée dans ses appréciations trop optimistes, et si ces États ne portent pas en eux quelque germe morbide qui les condamne à une irrémédiable impuissance.

Il n’en est rien, et l’avenir le prouvera. Il y a là un choc de races superposées non encore unifiées : d’une part les blancs, caballeros,