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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/279

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sommes à la ville, à la cour, parmi les importans, les impudens, les flatteurs, les parasites, les bavards, les hypocrites, les beaux esprits ou les sots ; ce sont moins de vrais caractères que des masques : c’est le paraître plus que l’être. Surtout, où est l’être organique ? Descartes presque seul, avec son disciple Malebranche, y chercha l’origine profonde des passions et des mœurs.

En Allemagne, Kant, Schopenhauer, Lotze, Wundt et Bahnsen ont fourni les plus précieux élémens à la science nouvelle du caractère. En Angleterre, le dernier ouvrage que Stuart Mill voulait écrire était un traité sur ce sujet ; ce fut son ami Bain qui l’écrivit, avec un succès médiocre. Chez nous, récemment, M. Ribot, le docteur Azam, le docteur G. Le Bon et M. Bernard Perez, ont publié d’importantes études. Toutefois, est-on remonté jusqu’aux vrais principes, qui, selon nous, doivent être biologiques ? Il ne le semble pas. Si nous ne nous trompons, la connaissance du caractère devrait avoir pour première base la détermination de ce que Bacon et Leibniz ont appelé le « tempérament moral, » lui-même inséparable du tempérament physique. Entre l’action des choses ou des hommes sur nous et la réaction par laquelle nous y répondons, il y a toujours un intermédiaire : notre tempérament qui produit ce qu’on a si bien nommé notre « indice de réfraction mentale. » Le même rayon de lumière, traversant un milieu différent, changera de direction et se colorera de nuances variées.

Les docteurs Laycock, Cullen, Maudsley, se plaignent avec raison du peu qu’on a fait pour rendre scientifique la doctrine des tempéramens. Ce mot même de tempérament, dit Maudsley, n’est guère jusqu’à présent qu’un « symbole représentant des quantités inconnues, plutôt qu’un terme désignant des conditions définies. » Nous croyons, malgré l’extrême difficulté du sujet, qu’on peut aujourd’hui définir au moins les conditions fondamentales, les élémens dont les « quantités » combinées impriment à l’individu sa marque propre. Demandons d’abord à la biologie les derniers résultats de ses recherches et de ses découvertes ; sans doute y trouverons-nous une base solide. Nous essaierons ensuite de fonder sur cette base une classification naturelle des tempéramens.


I

Un progrès se produit de nos jours en biologie qui est digne de toute l’attention et que personne ne devrait ignorer. On sait comment naquit la grande et belle « théorie cellulaire, » qui considère