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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/302

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Selon Kant, le tempérament « colérique » est le moins heureux de tous, « parce que c’est celui qui rencontre le plus d’opposition. » Mais cela est vrai seulement des volontés à forme violente et agressive. L’énergie intense de la volonté n’est pas en elle-même un obstacle au bonheur ; tout au contraire. En permettant de réagir contre la sensibilité, elle permet de diminuer les peines et de détourner l’attention vers des idées qui rassérènent. Le sentiment même de l’énergie engendre naturellement la confiance et l’espérance : c’est un ressort que rien n’abat. Aussi les volontés fortes et actives sont-elles plutôt disposées à l’optimisme qu’au pessimisme. Quand on s’est donné une tâche, imposé une œuvre, on n’a pas le temps de s’attarder aux rêveries mélancoliques et aux méditations découragées : on va devant soi et, en vivant, on sent le prix de la vie.


VI

Les anciens distinguaient un tempérament flegmatique fort, un autre faible. On peut, en effet, avoir de la volonté, mais froide et sans emportement ; la constitution physiologique comporte alors une certaine lenteur, qui, sans enlever la force, laisse place à la réflexion et au calme. C’est ce genre de tempérament flegmatique que nous opposons à l’énergie explosive et ardente du colérique.

Chez le flegmatique, la modération des échanges vitaux, malgré la prédominance relative de la désintégration, s’exprime par la tendance du corps à un certain empâtement ; le nez est large, le cou généralement court, le teint sans grande couleur et sans lustre ; les cheveux sont d’ordinaire légers, blonds ou d’un brun clair ; la barbe absente ou peu colorée ; les yeux gris ou verts, sans éclat. Si la complexion est cependant robuste et le système musculaire développé, ou si le cerveau est bien doué, vous aurez un actif, mais lent, lourd et difficile à émouvoir.

La lenteur du flegmatique actif a pour cause la moindre rapidité dans la dépense nerveuse, une désagrégation moins soudaine qui permet une réintégration progressive et parallèle. Ce travail de réintégration favorise, au lieu des actions explosives, les « inhibitions » ou arrêts, qui, selon nous, s’expliquent encore par la proportion et la distribution des deux travaux de recette et de dépense. Aussi l’actif lent et doué de a sang-froid » possède-t-il une volonté à direction inhibitoire plutôt qu’explosive. C’est dire qu’il se domine