refoulèrent : l’élément européen a été ensuite dans le courant de ce siècle fortifié par une immigration française, espagnole et italienne considérable[1]. Dans le Mexique, au contraire, l’élément autochtone constitue la majeure partie de la population, et, quoique, pris dans l’ensemble, il ne détienne ni la terre ni le capital, et qu’il n’exerce pas en fait le pouvoir politique, il demeure un facteur économique prépondérant, puisqu’il représente le travail. Quelle est donc la condition économique et l’état moral de ces millions d’hommes ?
Les Indiens sont surtout nombreux dans les États du Centre et du Sud. Ils ont conservé leurs langues natives et forment des communautés compactes. En dehors des villes et de leur banlieue, ils n’entendent pas l’espagnol. Dans le nord, au contraire, il n’y avait guère que des tribus de chasseurs analogues aux Comanches du Texas. De nos jours seulement leurs dernières bandes, qui infestaient la Sonora et le vaste désert appelé El bolson de Mapimi, entre les États de Chihuahua et de Cohahuila, ont été détruites ou subjuguées. Les Indiens, que les Espagnols amenèrent avec eux du sud, appartenaient aux tribus les plus diverses ; ils ont formé une race fortement métissée qui parle uniquement l’espagnol.
Les peuples que Fernand Cortès rencontra dans la partie centrale, dans l’Anahuac, étaient agriculteurs, et, sur le bord des lacs, ils utilisaient les marais en jardiniers habiles ; mais ils ne possédaient d’autres animaux domestiques que le porc et la volaille ; ils laissaient sans les utiliser les terres immenses que le défaut d’irrigation ne rendait pas propres à la culture du maïs. Il est aujourd’hui de mode au Mexique de déplorer la conquête espagnole comme ayant détruit l’indépendance nationale. C’est le thème ordinaire des discours officiels du 5 mai et du 16 septembre. Ce langage est étrange dans la bouche de gens qui peuvent avoir du sang indien dans les veines, mais qui parlent exclusivement espagnol et doivent tout ce qu’ils savent à ces conquérans qu’ils maudissent.
- ↑ L’intéressant volume sur la République orientale de l’Uruguay, que vient de publier le comte de Sainte-Foix, ancien ministre de France dans ce pays (1 vol. in-18, Léopold Cerf), montre comment dans le cours de ce siècle les Indiens Charmas ont été absolument éliminés, tandis que les colonies italienne et française sont devenues les facteurs prépondérans de la politique. L’abominable guerre d’extermination faite par le Brésil et la République argentine au Paraguay, et qui a réduit un peuple de 1,337,440 âmes en 1857 à 221,079 âmes en 1865 (Levasseur, Statistique de la superficie et de la population de la terre, 1887, p. 173), a fait disparaître une population qui dans l’Amérique du Sud avait le même caractère que celle du Mexique.