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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/336

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Une loi de Juarez, édictée au plus fort de la guerre civile, posa en principe que toute terre, dont le propriétaire ne justifierait pas de son droit par un titre, serait considérée comme terre publique, terreno baldio, et que le dénonciateur pourrait se la faire adjuger jusqu’à concurrence de 2,500 hectares, moyennant un prix déterminé et fixé fort bas. Cette loi n’avait donné que peu de résultats et le gouvernement était hors d’état de procéder lui-même à la cadastration générale du territoire. Une loi de 1883 a fait produire au principe posé par Juarez toutes ses conséquences en autorisant la formation de sociétés spéciales de dénonciation et de délimitation des terrenos baldios et en donnant à ces sociétés pour les rémunérer le tiers des terrains délimités par elles.

Les propriétaires menacés d’éviction peuvent faire confirmer leurs titres en payant le prix fixé dans leur État pour les terres publiques, selon la catégorie à laquelle elles appartiennent, avec un certain rabais. Ce prix, comme toutes les acquisitions de terres publiques, est payable en titres de la dette intérieure, que le gouvernement prend au pair, mais que l’on achète aujourd’hui à la bourse de Mexico à 30 pour 100. Le gouvernement poursuit un double but : l’extinction de la dette intérieure et la constitution d’un domaine public nettement délimité ouvert à la colonisation. Un certain nombre de sociétés de ce genre se sont créées et à la fin de 1889, elles avaient délimité 38,811,524 hectares sur lesquels 11,036,407 avaient été abandonnés aux compagnies et 12,642,446 hectares avaient été vendus par le gouvernement. Plus de 11 millions d’hectares restaient disponibles pour la colonisation. Les mêmes opérations se sont continuées et le discours de Porfirio Diaz, à l’ouverture du congrès le 1er avril dernier, nous apprend que 2,600,000 hectares de terrenos baldios ont été dénoncés dans le cours de l’année 1892-93 par les compagnies qui en ont gardé le tiers[1].

Seulement ces opérations entraînent une multitude d’injustices. Souvent les titres de possessions fort légitimes ont été perdus ; puis la prescription acquisitive de terres vacantes est un mode naturel de constitution de la propriété. C’est une véritable iniquité de ces lois de ne pas l’avoir reconnue. Les grands propriétaires peuvent encore se défendre ou se racheter ; mais ceux qui sont faibles sont souvent spoliés par les compagnies.

Quand il s’agit de propriétés provenant des communautés

  1. Dans la même année 1892-1893, les régularisations par des propriétaires pour los possessions qu’ils avaient au-delà de leurs titres ont porté sur 209,400 hectares, pour lesquels ils ont payé 110,308 piastres en titres de la dette publique intérieure. D’autre part, 1,024 titres individuels de propriété ont été expédiés gratuitement pour une superficie de 4,661 hectares provenant du partage d’ejidos de pueblos.