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Sanctis, et qui compte aujourd’hui tant de représentans distingués parmi lesquels un ancien ministre de l’instruction publique, M. Villari, l’école qui a défriché le moyen âge italien et renouvelé l’étude de la renaissance, procède presque tout entière, par la nature de ses recherches, par sa méthode, et même un peu par son style, des historiens allemands. Si de la littérature historique on passe à la littérature d’imagination, on sera forcé de reconnaître aussi que la poésie allemande a exercé une action incontestable sur la poésie italienne. M. Giosuè Carducci, qui joue avec beaucoup de solennité le rôle de poète national, doit peut-être autant à Chamisso et à Heine qu’à Horace, et la réforme métrique qu’il a inaugurée dans ses Odes barbares s’appuie aussi bien sur les principes de la versification allemande que sur ceux de la versification latine. D’autres poètes, M. Olindo Guerrini, M. C. Boito, M. A. Gruf, sont également assez imbus de germanisme ; et il y a, de l’Allemagne à l’Italie et réciproquement, un échange de traductions fort actif. Mais, si l’influence allemande l’a emporté dans l’histoire et même jusqu’à un certain point dans la poésie, l’influence française est restée prédominante dans le roman qui, en Italie comme ici, est le genre littéraire en tout cas le plus cultivé, et peut-être bien celui dans lequel il s’est produit les œuvres les plus importantes. On peut même dire sans exagération que, pendant ces quinze dernières années, l’évolution du roman italien correspond presque trait pour trait à celle du roman français, sans que cela signifie, bien entendu, qu’elle n’ait pas son originalité. Au triomphe momentané de nos naturalistes, a répondu celui des véristes, car de l’une à l’autre école, il n’y a guère que l’étiquette qui ne soit pas la même : M. Verga a commencé sa série de romans d’observation (les Vaincus) au moment où les Rougon-Macquart commençaient à s’imposer ; ses nouvelles siciliennes, ainsi que celles de M. Capuana, font un joli pendant aux nouvelles paysannes de M. de Maupassant ; M. Capuana dans sa Giacinta, M. Cesare Tronconi, aujourd’hui retiré de l’arène littéraire, dans plusieurs romans qui soulevèrent en leur temps de violentes polémiques, tout récemment encore Mlle Annie Vivanti, dans sa Marion, chanteuse de café-concert, peignaient avec une grande hardiesse les troubles les plus violens des sens et les perturbations sociales qui en résultaient. Mme Mathilde Serao empruntait presque son titre au maître de Médan, et donnait le Ventre de Naples comme tout exprès pour appeler la comparaison avec le Ventre de Paris, Le règne du vérisme a duré juste aussi longtemps que celui du naturalisme, et voici que, depuis quelques années, le roman italien paraît se transformer dans le même sens que le roman français. Peu à peu,