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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/397

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individuelle comme ceux que j’ai cités déjà et comme les trois suivans que j’aurais tort de passer sous silence. Le premier est celui du concessionnaire G.., ancien distillateur ; ses économies passèrent à l’achat et à l’installation d’un alambic au moyen duquel il est arrivé à tirer de certaines écorces d’arbres et de certaines plantes des essences, des parfums et des liqueurs. Ses essais ont figuré à l’Exposition universelle et ont valu une médaille à l’administration.

Le second est celui de B… Ce concessionnaire est l’un de ceux qui, avec les frères Th.., dont j’ai parlé, entreprirent la culture du blé. Si je ne me trompe, c’est à lui qu’on doit le premier pain qui ait été fabriqué avec de la farine calédonienne. Il y eut même à cette occasion une cérémonie. L’évêque se trouvait à Bourail lorsque B… apporta son pain pour être distribué à la grand’messe. Non-seulement le prélat l’accepta, mais il monta en chaire et félicita le « Bouraillais » de ce résultat, avant-coureur d’un grand progrès.

Mon troisième exemple m’est fourni par un vieux paysan du centre, ancien incendiaire, demeuré, au milieu de toutes ses aventures, fervent disciple de Parmentier.

Il s’est lancé à corps perdu dans la pomme de terre ; il en a de toutes les espèces et c’est avec plaisir que l’œil de l’Européen, fatigué de contempler les ignames canaques, se repose sur les cinq hectares cultivés par le père Mun… Depuis cette visite, les pommes de terre australiennes, qu’on me servait au cercle de Nouméa, me semblaient moins bonnes.

Ainsi donc, dans une chevauchée de quelques heures, j’ai pu me convaincre que les colons pénitentiaires de Bourail ont apporté en dot à leur terre d’exil : l’industrie de la mégisserie, la fabrication du tapioca, celle des parfums, essences, liqueurs, extraits de plantes du pays ; la culture du tabac, du chanvre, du lin, de l’orge, du blé, des pommes de terre, des fleurs et des fruits d’Europe, etc.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets ; on le vit bien lors d’un concours agricole qu’on organisa en 1890 dans une localité dont j’ai cité le nom, la Foa-Fonwary. Le concours devait tout d’abord être uniquement pénitentiaire, mais la colonie libre réclama le droit d’y prendre part. Entendre, c’est obéir, dit l’Oriental ; aussi s’empressa-t-on de mettre tout en œuvre, non plus pour constater les progrès réalisés par les concessionnaires, mais pour démontrer la supériorité de l’élément électeur et éligible sur l’élément convict.

On fréta des bateaux, on les pavoisa ; gouverneur en tête, les élus, les notables et beaucoup de curieux s’embarquèrent pour aller