Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Odessa, port d’embarquement, qu’en septembre, et à Marseille qu’en octobre, il ne sera payé qu’à cette dernière époque ; il ne peut donc vendre ses francs que livrables en octobre ; s’il n’existait pas un marché à terme sur les changes, il ne pourrait vendre son blé qu’en risquant de subir une perte notable par suite de fluctuations possibles du cours du change, de mai à octobre. En effet, qu’à cette dernière époque la cote de Paris en Russie soit tombée à 30, c’est-à-dire 30 roubles pour 100 francs, et l’agriculteur ne recevra plus que 6 roubles par quintal, c’est-à dire les trois quarts seulement du prix qu’il réalisait en mai.

Ce que nous disons là est tellement la vérité que les négocians allemands déclarent en ce moment même éprouver les plus grandes difficultés à continuer leurs affaires d’exportation en Russie, parce que les dernières mesures du ministre des finances, à Saint-Pétersbourg, tendent à entraver le libre fonctionnement du marché à terme qui existait à Berlin sur les roubles. Les maisons les plus sérieuses, les plus étrangères à la spéculation, se voient placées dans l’alternative de renoncer à cette branche de leur négoce ou de courir tous les risques des fluctuations du change pendant la période qui s’étendra de la conclusion du contrat à son entier accomplissement. Or, ces risques sont tels qu’ils peuvent non-seulement absorber tout le bénéfice attendu de l’opération, mais encore constituer les exportateurs en perte.

Il nous semble inutile de prolonger la démonstration de la légitimité de l’opération à terme, à découvert, même au sens strict du mot, pour les cas innombrables qui rentrent dans cette catégorie. Il faut aller plus loin et prouver que l’opération à découvert constitue bien souvent un acte de sage administration, de précaution nécessaire, alors même que l’acheteur sait qu’il n’aura point les deniers et que le vendeur n’est point certain d’être nanti du titre ou de la marchandise dont il promet la livraison.

On appelle arbitrage en matière de Bourse l’opération qui a pour but d’échanger un titre contre un autre. Elle procède de l’idée que, toutes choses égales d’ailleurs, le premier est trop cher relativement au second ; que, par exemple, la rente 3 pour 100 d’un État soit cotée 85 pour 100, et la rentes pour 100 du même État 98 pour 100, il sera tentant d’arbitrer la première contre la seconde, c’est-à-dire de vendre ce 3 pour 100 qui ne rapporte que 3.52 pour 100 en achetant le 4 qui rapporte 4.08 pour 100. La spéculation qui consistera à vendre à découvert le 3 pour 100 afin d’acheter à découvert le 4 pour 100 ne mérite point d’être assimilée à un jeu. Il s’agit, en effet, de deux dettes du même État, qui, par conséquent, présentent le même degré de sécurité ; toutes