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des commanditaires ou à des actionnaires n’a de passif de ce chef qu’envers elle-même, façon de parler comptable, un peu barbare, mais qui a l’avantage de mettre en évidence une situation particulière. Au contraire, la maison de banque ou la société de crédit qui reçoit les dépôts du public doit toujours être prête à restituer à ce public les sommes qu’il lui a confiées. Cet argent ainsi exigible ne peut évidemment recevoir des emplois analogues à ceux d’une commandite ou d’un capital-actions.

Telle est la première différence radicale, de laquelle découlent les autres ; elle éclaire la question et permet de dégager les règles qui s’imposent.

Dans la pratique, la division théorique que nous venons d’établir ne se rencontre pour ainsi dire pas à l’état parfait. Une société en commandite ou par actions, dont la fonction principale n’est pas de solliciter les dépôts du public, est presque toujours amenée par le courant de ses affaires à en recevoir. Inversement, une banque de dépôts possède un capital propre, souvent minime par rapport à l’importance des sommes à elle confiées par les tiers, mais qui n’en constitue pas moins, dans l’ensemble des ressources avec lesquelles elle opère, une fraction distincte.

Nous ne ferons d’ailleurs cette observation que pour ne pas nous exposer au reproche d’omettre aucune circonstance de la cause. La règle de conduite d’une banque résulte de sa fonction prédominante, et l’emploi d’un capital propre de quinze millions de francs, par exemple, sera d’une importance secondaire pour une société qui aura reçu cent millions de dépôts du public.

En résumé la banque pure doit être l’apanage de ceux qui travaillent avec l’argent des dépôts, tandis qu’il est loisible aux financiers, tels que nous les avons définis ci-dessus, de se lancer dans les entreprises qui leur conviendront et leur paraîtront offrir des chances de bénéfices supérieures.

À ceux qui s’imaginent que la banque est un jeu, nous répondrons en les invitant à essayer de se rendre compte de l’organisation et du fonctionnement d’un de ces grands établissemens de crédit qui disposent par eux-mêmes d’un capital considérable et de sommes bien plus considérables encore que la confiance du public met à leur disposition. Quelle doit être la pensée, quelle est en effet la pensée dominante de ceux qui le dirigent ? C’est l’emploi des capitaux qui y sont réunis : or cet emploi ne peut se faire d’une façon rationnelle qu’en excluant toute idée de jeu. L’établissement doit être toujours prêt à rembourser à ses déposans les sommes qu’ils lui ont remises ; il doit donc en principe ne les employer qu’à acquérir des créances que nous appellerons à