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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/699

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tremper, avant le foulage, les grappes dans l’eau pour éliminer certaines bactéries nuisibles à l’évolution des germes. Le possesseur de crus très inégaux ramassera d’abord ses raisins de coteaux, puis, une fois la fermentation bien allumée, il mélangera successivement avec des raisins de plaine dont le jus subira alors une sorte d’entraînement très favorable.

Dans les caves où l’on opère encore par les anciennes méthodes, l’aération pure et simple facilite la multiplication des bonnes levures, à la condition qu’on insuffle dans le moût de l’air pur exempt de germes et non un fluide saturé de fermens acétiques provenant de pressoirs mal tenus. D’autre part, la théorie fait ressortir l’influence favorable du rôle du « chapeau » lorsqu’on force celui-ci à plonger dans la cuve, au lieu de le laisser nager à la surface libre. Déjà, dans le nouveau matériel vinaire, certains dispositifs, des filets convenablement placés par exemple, ont pour but d’obtenir l’immersion complète du chapeau dans le liquide bouillonnant.

Puisque nous terminons ce travail par quelques mots relatifs à la microbiologie, on nous permettra de mentionner une remarque trop connue pour qu’elle ait été discutée au congrès, mais que nous ne croyons pas devoir oublier. Il est absolument démontré que les raisins secs, pour si bien conservés qu’ils soient, une fois additionnés d’eau, ne fermentent pas comme le moût frais et que le phénomène est troublé par des semences de mauvaise nature engendrées par un commencement d’altération. Donc le vin qui en résulte ne saurait être assimilable au jus de raisins récemment cueillis. Quoique évidente par elle-même et reconnue par la loi, cette vérité avait besoin d’être confirmée par des microbiologistes impartiaux dans la question. Nous irons plus loin. On devra se méfier, pour une raison analogue, des vins obtenus en grand chez des industriels, au moyen de raisins frais achetés au loin, puis transportés : outre que cette manipulation favorise la fraude, elle ne saurait engendrer, même loyalement pratiquée, une boisson salubre et de bonne conservation.

Ce qu’il faut encourager à tout prix, c’est la production du pur jus de raisins cueillis, puis immédiatement écrasés sur place, c’est la vinification loyale, telle qu’elle est pratiquée de temps immémorial par les grands propriétaires et les petits vignerons français. Afin d’arriver à ce but, il n’existe qu’un moyen, et ce moyen, quoi qu’en disent les théoriciens ou les intéressés, c’est une protection éclairée et raisonnable. Telle a été aussi l’opinion des congressistes assemblés à Montpellier.


ANTOINE DE SAPORTA.