Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/919

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pyrénées. Si l’on regarde vers l’est, immédiatement au dessous de soi, on aperçoit encore des arbres laissant entre eux quelques intervalles vides. De même que, dans une prairie, le tapis d’herbe verte laisse passer les fleurettes blanches dont il est émaillé, à travers les feuilles apparaissent les maisons isolées ou réunies en une sorte d’agglomération, comme à la Teste-de-Buch, située en arrière à droite, ou pour former la double ville d’Arcachon. La ville d’hiver, directement dominée par l’observatoire, est la plus proche ; l’autre, la ville d’été, s’étend en une longue ligne, de la pointe de l’Aiguillon à la pointe du Bernet. Çà et là, se dresse quelque édifice plus remarquable : le clocheton pointu d’une villa, le belvédère du château Deganne, la flèche de l’église Notre-Dame d’Arcachon ou le clocher de Saint-Ferdinand.

Un merveilleux spectacle est celui de la nappe bleue du bassin, à marée haute, étincelant à la lumière d’un beau jour d’été, piquetée de voiles blanches, pointillée de taches noires, les pillasses, au milieu de laquelle se détache, avec la couleur mate des terrains souvent inondés, revêtus de la végétation terne des herbes salées, l’île aux Oiseaux, sans un arbre, où des huttes de pêcheurs sont alignées en file. Au-delà, à l’horizon, du côté du nord, se rapprochant à mesure qu’on se tourne vers la droite ou vers la gauche, la limite du bassin, régulière, jalonnée d’espace en espace par des villages : Arès, Andernos, Audenge, noms de musique grecque et dont les clochers sont baignés dans la brume pâle qui enveloppe les lointains. À l’ouest commencent les dunes plongeant dans les eaux qui en reflètent et en allongent la blancheur, pareilles à ces empâtemens de blanc donnés par les peintres comme au hasard du pinceau pour faire ressortir la finesse de ton des premiers plans et bien accuser la transition aux fonds éloignés. Par derrière est l’océan, l’Atlantique, où un mince trait noir, à l’extrême limite de la mer et du ciel, marque la trace des grands navires qui arrivent du Sénégal ou du Brésil et cherchent à gagner l’entrée de la Gironde pour atteindre Bordeaux. Les dunes se disposent en mamelons, elles s’abaissent presque jusqu’au ras des flots ; le phare du cap Ferret monte droit et isolé ; et, un peu plus loin, à l’extrémité du chenal qui met le bassin d’Arcachon en communication avec la mer, large fleuve où, deux fois par jour, le courant change de sens avec la marée, on aperçoit l’entrée des passes, coupées de bancs de sable, la terreur des marins, bordées par les vagues d’une éternelle frange d’écume. Au-dessus de tout cela, des bois, de la verdure, des eaux calmes du bassin, des villages, des dunes et de l’océan, un dôme immense que l’élévation d’où on le contemple rend plus immense encore, le ciel ruisselant