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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/925

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encore à la grande dune du Pilat ou de la Grave, qui se trouve en concavité aussi bien en flot qu’en jusant et qui s’effondre avec une prodigieuse rapidité. Sur ce point, l’effet est double. En revanche, les sables emportés des parties concaves s’amassent dans les parties convexes, telles que la pointe du cap Ferret et les bancs de Bernet entre Moulleau et la ville d’Arcachon. Si le bassin avait un volume régulier, le va-et-vient des eaux aurait un rythme toujours égal, les concavités et les convexités s’atténueraient, finiraient par s’effacer, et le chenal prendrait un profil uniforme. Son irrégularité change le mode d’afflux de l’eau et son passage à l’entrée et à la sortie ; elle est la cause première des déplacemens si capricieux du canal aboutissant à la mer.

Le bassin éprouve aussi un abaissement. Sur toute la rive comprise entre Moulleau et le sémaphore, la côte est jonchée de blocs de lignite, débris d’une couche continue, qui n’émergent guère qu’à marée basse et où l’eau recueille des débris végétaux parfaitement conservés et reconnaissables. On y trouve en particulier des feuilles de typha la massette ou roseau de la passion et des écorces de bouleaux, plantes qui ne croissent qu’au bord des eaux douces et abondantes encore actuellement à quelques kilomètres de distance, à l’étang de Cazaux. Ces plantes datent de l’époque où le bassin d’Arcachon était isolé de la mer, rempli d’eau douce et dans un état identique à celui dans lequel est aujourd’hui Cazaux. Or à ce moment, le niveau du bassin était probablement plus élevé ; il n’était sûrement pas en contre bas de celui de l’Océan. S’il est maintenant dans ces conditions, puisque le lignite correspond aux marées basses, on doit admettre que sur une étendue plus ou moins vaste, le sol s’est enfoncé. D’autre part, le bassin se remplit des vases apportées par les eaux de tous les fossés de drainage des Landes qui se déversent sur la côte orientale du bassin, depuis Arès jusqu’au Teich. Lorsque des particules solides sout en suspension dans l’eau douce, il suffit en effet d’une quantité très faible de sel en dissolution pour que ces particules fixent à leur surface, par attraction moléculaire, une portion du sel, modifient leur densité et se précipitent. La loi est générale ; elle explique un grand nombre de phénomènes naturels, le filtrage et l’épuration des liquides à travers le sol, les barres et les deltas qui se forment à l’embouchure des fleuves, et, dans le cas présent, le colmatage du bassin d’Arcachon destiné à être comblé dans un délai rapproché, que quelques expériences de filtration permettraient de déterminer d’une manière approximative. En résumé, la ligne moyenne de séparation de la terre et de l’eau, dans la région du bassin, est la résultante actuelle, la somme algébrique de ces deux phénomènes inverses