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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/927

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tenue de travail sont femmes quand on les voit de face, hommes par derrière, et ce qu’on voudra de profil. Ce costume est original. On peut y ajouter, pour l’un et l’autre sexe, des bottes, en certaines occasions, ou des chaussures consistant en une planchette munie d’un rebord et d’une bride pour maintenir le pied. Elles permettent, par leur surface considérable, de marcher sans y enfoncer sur les vases molles que la mer couvre encore ou vient à peine de quitter.

Pour donner une idée de l’industrie ostréicole, il est nécessaire de fournir quelques détails relatifs à l’huître, à sa nature et à ses habitudes. Le succulent animal est un mollusque. S’il ne donne, il est vrai, que peu de preuves d’un esprit ou d’un caractère primesautiers, ce qui lui a mérité de symboliser précisément l’inverse de ces précieuses qualités, s’il paraît tranquille, paisible, casanier, vivant chez lui et ne changeant ni de logis ni de quartier, il a eu, lui aussi, une jeunesse ; il a erré, il a eu des aventures, il a éprouvé des vicissitudes. Peut-être cette époque lointaine est-elle l’objet de ses méditations, peut-être rêve-t-il solitairement à « ces temps heureux de joie et de misère » pendant cette période de calme où, placé dans les plus confortables conditions d’existence, protégé contre le chaud et contre le froid par l’intérêt même de son propriétaire, il ne saurait mieux s’occuper qu’à engraisser et à songer, doux repos qui ne se termine pour lui qu’au moment où il meurt par le citron comme jadis Socrate par la ciguë.

Pendant les mois d’été, à partir du mois de mai, l’huître jette son frai sous forme de petites larves munies d’une couronne de cils vibratiles, qui sont emportées par les eaux, flottent, montent et descendent avec elles jusqu’au moment où chacune rencontre un corps solide, un caillou, une chaîne d’ancre ou des tuiles que l’on dépose à profusion autour des huîtres mères, à l’effet de les recueillir. La larve ou naissain s’y fixe, devient immobile, sécrète une coquille et commence la vie sérieuse.

On la laisse grandir ainsi. Après quelque temps, trois mois environ, comme un nombre considérable de larves s’est attaché sur la même tuile, leur taille grossissant, elles ne manqueraient pas de se gêner mutuellement, leurs coquilles se recouvriraient et se déformeraient, ce qui les rendrait beaucoup moins marchandes. Il convient donc de les isoler les unes des autres afin de leur permettre d’acquérir toute leur croissance et leur maximum de régularité. C’est alors que l’on procède au détroquage.

L’opération consiste à prendre les tuiles chargées de jeunes huîtres et à détacher celles-ci une à une. Le travail s’est longtemps exécuté simplement au moyen d’une lame de couteau. On a reconnu