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Crète. Montées sur des pinasses, embarcations faites, comme l’indique leur nom dorien, de planches assemblées par de simples chevilles de bois, derniers débris, peut-être, des vaisseaux qui les ont portées, elles vont chercher la nourriture de la famille et pocher sur les crassats (femmes de Crète), auxquels elles devaient aussi laisser leur nom. Pendant ce temps, les guerriers explorent les environs de leur nouvelle patrie ; ils repoussent les attaques des sauvages habitans du pays, visitent successivement Andernos (viril) qui fut probablement le théâtre d’une lutte, Lanton, Audenge, parviennent à l’embouchure de la Leyre, la maigre rivière, y fondent la ville du Teich (mur), l’entourent de fortifications et, remontant son cours, ils s’arrêtent en diverses localités qu’ils nomment Lauros, Babulon, Tagon, Biganos, Balanos, le pays des chênes et des glands, Candos, Udos, le pays de l’eau, les champs de Gujan, Biscarrosse où les plus fournissent d’abondantes provisions de poix et de cire. Ils finissent par installer leur capitale sur la Leyre même, à Salles, du mot Salos, lieu de mouillage.

Les générations se succèdent et les fils, poussés par ce même naturel errant et batailleur, entreprennent sur terre des voyages aussi lointains que ceux qu’avaient accomplis les pères sur les flots. Les uns descendent vers le sud jusqu’aux Pyrénées et se mêlent aux Ibères. D’autres, les Boïens, vont, sous la conduite de Bellovèse et de Sigovèse, conquérir l’Italie et épouvanter les Romains dans le Capitole. Vaincus à Préneste par le dictateur Sulpicius, chassés d’Italie, ils se répandent sur le Danube, aux confins de la Pannonie et de l’Illyrie, y font alliance avec les Taurisci et les Scordisci, et luttent ensemble contre les peuples de la Noriscie. Taillés en pièces par les Gètes, on les suit en Bohême d’où ils sont chassés par les Marcomans. Ils se divisent encore : une partie se réunit aux Helvètes, le reste se confond avec divers peuples et s’établit en Bavière César trouva en Gaule les membres sédentaires de cette famille formant les deux tribus des Boii, Boiôtoi ou les bouviers, et les Sotiates, les hommes du pays de Sôs, la ville qui existe encore, par allusion à des luttes victorieusement soutenues. Les descendans des Boïens s’appellent maintenant en Gascogne des Bouyès, tandis que les autres habitans des Landes, d’une race différente, sont les Cousiots ou Lanusquets, et parmi la population d’Arcachon, les Lalesque, les Lesca (éloquent, beau parleur), portent des noms grecs de qualités grecques.

L’influence du grec sur notre langue est plus considérable qu’on ne serait tenté de le croire. Quel que soit le degré de véracité qu’on veuille attribuer à la légende, l’éolien pélasgique et le dorien marseillais forment la couche profonde du français. Ainsi que l’a fait remarquer l’abbé J. Espagnolle, dans un ouvrage de