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malgré les récriminations, respectueuses dans la forme, quoique assez vives dans le fond, des intransigeans qui reprochaient surtout au souverain pontife d’être mal renseigné sur la situation intérieure de la France ; à quoi le nonce actuel répondait avec une malicieuse philosophie : — « Eh bien ! prenez un timbre de 0 fr. 25, et écrivez-lui. » — Ce ne doit pas être une mince satisfaction, pour les catholiques, que de voir cette détente nouvelle dans les rapports de l’Église et de l’État, ces entrevues cordiales entre le président de la république et les cardinaux récemment promus, ces évêques allant saluer les ministres, non plus avec une politesse de commande, mais avec un langage loyaliste et affectueux. Il y avait longtemps qu’on n’avait vu un président du conseil faire son entrée solennelle dans une ville, assis dans sa voiture, à côté de l’archevêque, comme ce printemps, à Albi. Et ceux de nos concitoyens qui savent, comme Gambetta, à quel point l’union de la France avec la papauté est profitable à notre influence en Orient, n’ont-ils pas vu avec plaisir, au banquet du 14 juillet dernier, à Constantinople, ce toast porté à la république par le délégué papal, Mgr Bonnetti, qui paraissait pour la première fois à cette réunion de la colonie française, présidée par notre ambassadeur ?

Ne convient-il pas de rapprocher de cette attitude le refus opposé par la curie romaine à la demande faite par le sultan d’un concordat réglant les questions qui touchent aux catholiques de l’empire ottoman ? Ce refus ne pouvait être inspiré par la crainte de reconnaître une certaine dose d’autorité, en ces matières, à un prince qui s’est signalé plus d’une fois par son respect de la liberté de conscience, et auquel l’assemblée des rabbins envoyait dernièrement une adresse de remercîment, pour sa bienveillance en faveur des Israélites. La décision du Vatican n’était motivée que par le désir de ne pas affaiblir le protectorat de la France sur les populations chrétiennes de l’Orient.

Ce protectorat n’est pas moins intéressant que jadis, aujourd’hui que l’Orient se transforme, et que l’on recommence à parler de la réunion des églises d’Orient et d’Occident, sur laquelle le congrès tenu à Jérusalem, où le cardinal Langénieux a été reçu par les autorités turques, en qualité de légat du saint-siège, avec les plus grands honneurs, vient de rappeler l’attention.

Cette réunion est l’un des projets favoris, les sceptiques disent l’un des rêves, du pape actuel ; mais c’est le propre des œuvres difficiles d’être traitées de chimère, jusqu’au jour où elles deviennent réalités. Dès le début de son pontificat, en 1878, le saint-père exprimait, dans une lettre au cardinal Nina, l’espoir que « les graves événemens qui se déroulaient en Orient préparaient peut-être un meilleur avenir aux intérêts de la religion. » Neuf ans plus tard, dans sa lettre au cardinal Rampolla, il rappelait les schismatiques, ceux de la Grèce en particulier, à l’unité. Les deux lettres appartiennent à deux périodes différentes