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plus rares de « l’empire fleuri » étaient reproduites avec un art merveilleux. On ignore la date de sa transplantation aux Bermudes ; il y a trouvé son sol et son climat d’élection et, quelques années avant la visite du général Russel Hastings, on l’y rencontrait dans presque tous les jardins. Lors d’un séjour qu’il fit dans cette station hivernale, le général fut émerveillé de la beauté et du parfum de ces lis, de leurs remarquables dimensions et de leur facile reproduction. L’idée lui vint de tirer commercialement parti de cette plante aux formes élégantes et pures, d’en multiplier les bulbes, de les expédier aux grands horticulteurs des États-Unis et aussi d’essayer l’envoi de hampes coupées. On n’ignore pas la passion des Américains pour les fleurs ; ils la poussent plus loin encore qu’on ne fait en Europe et, pour la satisfaire, ils mettent à contribution le monde entier.

C’est ainsi qu’ils ont fait venir de Quedlinburg et d’Erfurt, en Allemagne, toutes les variétés connues de roses. Ils ont édifié à grands frais, sur les rives de l’Hudson, ainsi qu’à Long-Island et dans le New-Jersey, d’immenses serres qui approvisionnent de plantes et de fleurs coupées les grandes villes de l’Union. Celles que le milliardaire Jay Gould fit construire à Irvington, dans sa propriété de Lyndhurst Castle, sont célèbres. Des capitaux énormes ont été absorbés par cette industrie lucrative. À mesure que le goût des fleurs se généralisait, les horticulteurs se spécialisaient. Sur les bords de l’Hudson, les uns ne cultivent que les violettes, d’autres que les roses, d’autres encore que le réséda, l’œillet, le lis. Il n’est pas rare qu’une élégante de New-York se fasse envoyer jusqu’à cent cinquante rosiers pour décorer son salon ; les roses thé sont les plus estimées.

De toutes les fleurs, celles que l’on recherche le plus, les plus rares et les plus coûteuses, sont les orchidées, ces plantes incomparables qui atteignent des prix très élevés et dont plus d’une variété a coûté la vie aux orchidea hunters qui les découvrent dans les marécages fiévreux et dans les forêts vierges du Brésil et des Indes. À New-York, on paie jusqu’à 25 et même 50 francs une belle fleur d’orchidée pour le corsage ou la boutonnière. L’été, on en expédie chaque jour à Newport, Saratoga, Atlantic-City, dans tous les lieux de villégiature. La mode en a fait aussi la fleur par excellence des bouquets de mariées. Un bouquet d’orchidées blanches vaut jusqu’à cinq cents francs ; on cite celui que portait, le jour de son mariage, la fille de M. William Astor, l’un des grands millionnaires de New-York. Entouré de fougères et de fleurs d’oranger, ce bouquet avait été payé 2,000 francs. Quant aux boutures, elles atteignent des prix bien autrement élevés. Très