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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/190

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Le souteneur se retrouve partout à la suite de la prostitution. Il est de l’essence des filles, fait remarquer le rapport décennal berlinois, de se sacrifier à un homme placé sur le même niveau social qu’elles-mêmes, avec lequel elles peuvent frayer librement et dont elles peuvent se croire aimées. Elles sont d’ailleurs bien mal payées de retour ; le Louis n’a pas la moindre affection sentimentale pour la fille qu’il exploite ; il ne s’émeut que si elle est condamnée à une détention plus ou moins longue, car c’est la misère pour lui, à moins qu’il ne trouve aussitôt à la remplacer.

Ce serait une illusion de croire qu’on pourra aisément se débarrasser de cette peste. Cependant la police de Berlin a réussi à diminuer le nombre des souteneurs, depuis qu’un arrêt du tribunal de l’empire en date du 17 octobre 1884 a établi la jurisprudence que le lait d’accompagner, pour la protéger, une femme se livrant à la débauche professionnelle constituait un acte de proxénétisme. C’est ainsi qu’en 1890 on a pu arrêter 126 souteneurs, 102 en 1889, 197 en 1888.

On espère pouvoir lutter avec plus de succès encore lorsque le code pénal allemand aura été enrichi d’une disposition spécialement applicable aux souteneurs. La crainte de la maison de correction sera plus efficace que toute condamnation pour proxénétisme, et l’on ne voit pas pourquoi on n’y enverrait pas aussi bien le souteneur vivant de la débauche d’autrui, que le mendiant ou le vagabond récidiviste[1].

Depuis 1886, la police des mœurs a été incorporée de nouveau au service de la sûreté. On y a été amené en voyant les rapports intimes qui existent entre les voleurs de profession et les prostituées, qui offrent un asile pour se cacher, qui sont au courant ou complices de bien des crimes, qui servent de receleuses, et qui peuvent rendre de grands services à la police criminelle. Les agens du service des mœurs et de la sûreté ont ordre de s’entr’aider dans l’exercice de leur mandat.

À Berlin, à dater de 1879, les bals publics devaient être fermés

  1. Il y a quelques années, on interdisait aux souteneurs condamnés le séjour dans certains quartiers de la ville. On ne pouvait expulser ceux qui étaient nés à Berlin ou qui y avaient leur domicile, mais on pouvait restreindre les quartiers où ils avaient le droit de vivre. Dans son rapport sur la période décennale 1872-1881, la police de Berlin constatait que les souteneurs étaient beaucoup plus dangereux pour les agens que pour ceux qui fréquentent les filles. En effet, le service de la sûreté est tenu de faire, au moins une fois par semaine, la visite des logemens occupés par des prostituées ; les agens ont souvent de la peine à y pénétrer et ils sont exposés à des coups et à des blessures de la part des souteneurs.