Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

destruction est lâchée dans le monde, que les plantes sont desséchées, les eaux empoisonnées ? Où est l’homme dont tu disais : « Je le créerai pour qu’il prêche la sollicitude pour les êtres ? »

Auhrmazd répondit : « Tu es malade, Gôshûrûn, de la maladie d’Ahriman et de la méchanceté que les démons ont déployée sur toi. Si j’avais pu créer cet homme en ce moment, Ahriman ne se serait pas livré à cette violence.

« Gôshûrûn s’avança jusqu’à la sphère des étoiles et répéta sa plainte ; jusqu’à la sphère de la lune et répéta sa plainte ; jusqu’à la sphère du soleil et répéta sa plainte. Alors on lui montra le Frôhar de Zoroastre, et Auhrmazd dit : « Je le créerai dans le monde pour prêcher la sollicitude pour les êtres. Gôshûrûn, satisfaite, accepta alors de nourrir les êtres et consentit à une nouvelle création des animaux dans le monde. »

Le dualisme persan se présente ainsi à nous sous la forme d’une lutte constante du bien contre le mal, qui se poursuit dans le monde des esprits, dans les hommes, dans les animaux, dans les êtres inanimés. Il trouve son expression la plus absolue, mais aussi la plus élevée, dans un passage du Yasna, dans lequel Ormazd révèle à Zoroastre les vingt et une paroles qu’il a prononcées dès avant la création du monde.

« Aussitôt que parut le mauvais, Ahura-Mazda dit : Non, au démon, en ces paroles de négation :

« — Non, ni nos pensées, nos enseignemens, nos intelligences ; ni nos vœux, nos paroles et nos actes ; ni nos religions, ni nos âmes ne sont d’accord. »

La même opposition se continue jusqu’au-delà de la tombe. Un des plus beaux passages de l’Avesta nous décrit les joies et les souffrances de l’âme, vertueuse ou coupable, dans les trois jours qui suivent la mort, les parfums délicieux et les odeurs infectes qui viennent à elle du midi et du nord, enfin sa rencontre avec une figure féminine, adorablement belle ou d’une laideur repoussante, qui n’est autre que sa propre Daêna.

« Quand un juste meurt, son âme repose pendant trois jours et trois nuits auprès de sa tête, aspirant autant de joie que tout ce qu’en peut contenir tout le monde des vivans. Et, à la fin de la troisième nuit, à l’aube, l’âme du juste se croit portée parmi les plantes et les parfums, et il lui semble que, de la région du Midi, souffle un vent parfumé. Et il lui semble comme s’il aspirait ce vent de ses narines. Et dans cette brise, il croit voir s’avancer une belle jeune fille, brillante, aux bras blancs, haute de taille et droite, aux seins relevés, au beau corps, noble et d’un sang illustre, dans sa taille de quinze ans et belle à l’égal des plus belles