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avant Jésus-Christ, soit même sous Vologèse, le prince arsacide contemporain de Néron et de Vespasien, qui paraît avoir inauguré, vers l’an 50 de notre ère, la renaissance zoroastrienne.

Quand on a lu M. Darmesteter, il paraît bien probable que l’usurpateur Keresâni, contre lequel s’élève le Hôm-Yasht, n’est autre qu’Alexandre le Grand. Dans ce yasht célèbre, consacré à la louange de Haoma, le saint Haoma, faisant à Zarathushtra l’histoire de ceux qui ont propagé son culte sur la terre et des ennemis dont il a triomphé, raconte qu’il a renversé du trône ce Keresâni qui s’était levé dans l’ambition du pouvoir, et qui disait : « Désormais le prêtre du feu n’ira plus à son gré par le pays enseigner la loi ! » On a souvent rapproché, dit M. Darmesteter, ce Keresâni, renversé par Haoma, du Kriçânou des Védas, le gardien jaloux du Soma céleste, l’archer qui lance sa flèche contre le faucon divin qui a enlevé Soma pour l’apporter aux hommes. Le rapprochement est frappant et peut-être exact ; peut-être y a-t-il eu un temps où les Iraniens connaissaient un Keresâni mythique qui retient le Haoma dans le ciel et l’envie aux hommes. Mais, une chose certaine, c’est que ce nom de Keresâni, quelle qu’ait été sa valeur ancienne, est appliqué par l’auteur de ces lignes à un personnage purement humain, qui doit trouver sa place dans l’histoire de la Perse. Sans doute, on pourrait songer au grand ennemi des mages, Darius fils d’Hystaspe, l’auteur de la magophonie. Telle était autrefois l’opinion de M. Darmesteter. Mais, quelque liberté que la tradition prenne avec l’histoire, elle ne pouvait aller jusqu’à faire de Darius un maître passager, renversé par le magisme.

La grande usurpation, la seule qui ait failli détruire le zoroastrisme, celle à laquelle la tradition parsie, aussi haut qu’on peut la suivre, c’est-à-dire dès l’époque sassanide, attribue la décadence de la religion et la perte de la plus grande partie des livres sacrés, c’est celle d’Alexandre le Roumi, qui, dit-elle, brûla l’exemplaire complet de l’Avesta contenu dans la bibliothèque royale de Persépolis, et massacra les sages de l’Iran, avant d’être précipité dans l’enfer. Alexandre est le troisième membre de cette trinité de tyrans exécrés, qu’Ahriman avait voulu rendre immortels, pour la ruine plus complète du monde : Zohâk, Afrâsyâb, Alexandre. Mais les deux premiers sont antérieurs à l’apparition de Zoroastre ; de sorte qu’Alexandre reste seul pour assumer le rôle de persécuteur du zoroastrisme.

La tradition pehlvie s’accorde bien avec cette manière de voir. Un texte pehlvi du haut moyen âge, le Bahman Yasht, appelle Alexandre le Kilisyak, « le brigand ; » or, ce terme est précisément celui qui, dans la traduction pehlvie du Hôm-Yasht, rend