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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

à ces premières discussions. L’orthodoxie triompha, et son triomphe aboutit, en 432, à l’expulsion des docteurs par l’évêque Rabula. Son successeur Hiba les rappela. Mais, en 489, l’académie d’Édesse fut détruite par l’évêque Cyrus, d’après les ordres de l’empereur Zénon, un peu avant l’époque où Justinien forma, également au nom de l’orthodoxie, la célèbre école d’Alexandrie. Dans un cas comme dans l’autre, il en résulta la ruine plus ou moins complète de la culture des sciences, dont la chimie faisait dès lors partie.

Ce furent les Sassanides, ennemis de l’empire byzantin, qui recueillirent les proscrits. Les Syriens fugitifs se réfugièrent en Perse, où leurs connaissances en médecine leur assurèrent un bon accueil. Ils y développèrent l’école de Nisibe et fondèrent l’école hippocratique de Gandisapora, fort en honneur au temps des Chosroës. D’autres Syriens, les Jacobites ou monophysites, rivaux des Nestoriens, cultivaient les mêmes études dans leurs écoles de Résaïn, en Mésopotamie, et de Kinnesrin, en Syrie proprement dite. Enfin, pour compléter ce tableau, rappelons qu’une autre branche sémitique, les Sabéens idolâtres, avait conservé à Harran l’adoration des astres et les derniers vestiges de la culture babylonienne.

On voit comment se forma, vers le ve siècle, en Mésopotamie, un centre scientifique véritable, qui subsista jusqu’au xie siècle, époque à laquelle il fut détruit à son tour par le fanatisme musulman. C’est dans ce centre que s’alluma le flambeau de la science arabe, en chimie comme en médecine, en astronomie comme en philosophie.

Mais il est nécessaire de dire que ces écoles syriaques, si multipliées et si importantes, ont joué surtout un rôle de transmission. Il ne paraît pas qu’on doive leur rattacher aucune découverte propre, sauf peut-être celle du feu grégeois, attribuée à Callinique d’Héliopolis. Leur rôle se borna à traduire et à commenter les maîtres grecs en rhétorique et en philosophie, — celles d’Aristote surtout ; — en mathématiques et en astronomie, — qui comprenait alors l’astrologie ; — ainsi qu’en médecine et en chimie.

Sergius, évêque médecin du vie siècle, fut l’un de ces traducteurs, et son nom est cité à plusieurs reprises dans les ouvrages alchimiques grecs. Ajoutons que ces sciences, alchimie, médecine, astronomie, étaient cultivées par les mêmes personnes, aussi bien à la cour des Sassanides qu’à celle des empereurs byzantins. L’alchimiste grec Stéphanus, au temps d’Héraclius, avait la prétention de les enseigner toutes, et leur réunion concourait à procurer aux adeptes considération et respect, de la part des souverains.

Les savans syriens furent même envoyés plus d’une fois comme ambassadeurs à Constantinople par les rois persans. Mais leur auto-