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ralisme, » si M. Brandes n’avait lui-même très longuement insisté pour montrer toute l’importance qu’on doit y attacher.

Remarquons encore en passant que ces poètes lakistes, qui n’apparaissent qu’au quatrième volume, — au quatrième acte, — sont les contemporains, presque les prédécesseurs des écrivains qui forment l’action du premier acte. Évidemment, ce n’est pas leur faute, et on ne pouvait non plus parler de tout de monde à la fois, nous le reconnaissons volontiers, mais nous nous demandons ce que devient dans tout cela le « drame » de M. Brandes.

M. Brandes, qui veut montrer toute cette floraison poétique anglaise du commencement du siècle comme aboutissant à Byron, dont il fait son idole, témoigne de quelque indulgence envers les lakistes. Il a presque des paroles d’excuse pour Wordsworth et Coleridge, parce qu’il voit, dit-il, le panthéisme immanent en leurs œuvres, sous le théisme confessionnel de l’un, et dans les idées à la Schelling qu’il découvre chez l’autre. Et puis il leur sait gré d’avoir été en leur prime jeunesse des enthousiastes de ce qu’il appelle la liberté. Il reconnaît même qu’ils n’ont jamais cessé de demander le règne de la justice, tout en affirmant qu’ils ont ignoré ce qu’était la justice. Quant à Southey, il ne peut lui pardonner d’avoir osé accuser Byron d’immoralité et d’irréligion, et il déclare que c’est là une tache indélébile dont ce poète restera à jamais flétri, et qui ôte toute valeur à son œuvre, malgré le cas qu’en ont fait ses pairs, et malgré l’amitié qui le liait à W.-S. Landor, un pur, celui-là, puisqu’il prit les armes ; pour la liberté, et alla combattre en Espagne la domination napoléonienne.

Walter Scott, malgré qu’il fût tory, a trouvé grâce aux yeux de M. Brandes. C’est qu’en somme ses romans n’étaient pas et ne pouvaient pas être des œuvres de propagande contre rien de ce qui est cher à M. Brandes. De Keats, il exalte le sensualisme ; et c’est là un chapitre très symptomatique des idées de M. Brandes. Il prie en même temps qu’on veuille bien excuser ce poète de n’avoir pris position dans aucun parti politique, mais c’est qu’il mourut trop jeune pour cela. Thomas Moore, qui défendit les Irlandais contre l’oppression anglaise, est à bon droit louangé pour ce fait, mais nous relevons ici une phrase qui nous montre une fois de plus combien M. Brandes n’a pas compris ce que lui imposait le titre de son œuvre : — « Thomas Moore, dit-il, fut un poète érotique des plus éminens, et j’aimerais à l’étudier plus longuement sous ce jour, si déjà je n’avais dû, comme l’exige le plan de mon œuvre, l’étudier avant tout comme poète politique. »

Tout ce quatrième livre est écrit pour préparer à l’apothéose de Shelley et de Byron. Quand M. Brandes parle d’eux, ce n’est plus de la critique, c’est du délire, et du délire très confus. Ainsi de