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d’énergie potentielle et de matière nutritive en réserve. Les irrégularités de contours tendront à disparaître et, la tension superficielle aidant, la cellule acquerra une forme sphéroïdale. Le résultat, très intelligible assurément, se rapprochera de l’œuf, « gros et immobile. » Partez encore d’une cellule d’abord équilibrée, mais en supposant que la dépense y prédomine sur l’acquisition : la mise en liberté croissante d’énergie motrice devra trouver son expression au dehors dans un accroissement de mobilité et dans une diminution de volume ; les cellules les plus actives se modifieront dans leur forme pour être aptes à passer au travers du fluide environnant ; elles s’allongeront en forme de fouet, présentant une sorte de tête et de queue pointue. La polarité féminine ou masculine serait donc, à l’origine, déterminée par la tendance à la conservation ou la tendance à la dépense.

Après un certain nombre de divisions, dont les dernières se font coup sur coup, les élémens masculin et féminin finissent par être réduits chacun à un demi-noyau, qui a besoin d’être complété par l’autre pour se développer. Et ces deux demi-noyaux conservent la polarisation différente qui, chez l’élément féminin, aspire à l’intégration, chez l’élément masculin, à la désintégration.

L’œuf, volumineux, bien nourri et passif, est l’expression cellulaire du tempérament caractéristique de la mère ; le volume moindre, l’aspect originairement moins nourri et l’activité prépondérante du père sont résumés dans l’élément masculin. L’œuf est une des plus grosses cellules, l’élément masculin est la plus petite de toutes. L’œuf renferme dans son protoplasme une provision de nourriture, ou vitellus, destinée à l’embryon ; la fabrication du vitellus constitue même, pour l’organisme maternel, une dépense intérieure considérable. Cette réserve alimentaire de l’œuf, avec les membranes d’enveloppe qui y sont si souvent prédominantes, fait défaut dans l’élément masculin, presque réduit à son demi-noyau actif et remuant. Il est comparable à une monade, à un infusoire à fouet, très pauvre en substance cellulaire. Son énergie locomotrice est extrême ; il se meut activement dans la plupart des animaux et dans beaucoup de plantes ; c’est comme « une matière de protoplasme explosif, » qui, dès que le stimulant nécessaire se présente, part avec une extraordinaire vivacité.

Non moins remarquable est sa puissance d’endurance, analogue à celle des monades et de ces bacilles qui font aujourd’hui le désespoir de la médecine. Il supporte les variations les plus extrêmes de la température ; il garde sa vitalité féconde pendant des mois et, chez certains animaux, comme les abeilles, pendant des années. Cette endurance lui permet d’aller sans danger à la recherche de