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constituant un individu plus nourri et plus tranquille, mais ayant d’ailleurs elle-même besoin d’être complétée. Voilà, dès le début, le contraste entre les sexes.

M. Armand Sabatier avait déjà trouvé que le caractère de l’élément féminin est la concentration, l’unification, la cohésion : cet élément tend à rester un et à ne pas se fragmenter, à ne pas se sectionner, tant qu’il est livré à lui-même. Le caractère de l’élément masculin est au contraire « un rôle de division, de dispersion. » Et M. Sabatier faisait à ce propos un rapprochement plein d’intérêt : dans cette fonction d’élément centrifuge, mobile et chercheur, ne reconnaît-on pas déjà ce que l’on peut appeler « l’extériorité du sexe masculin, » c’est-à-dire sa « tendance générale à la vie active, voyageuse et extérieure ? » Au contraire, voyez l’état d’immobilité relative, le caractère de concentration et d’intégration qui marque l’élément féminin ; n’y reconnaissez-vous pas déjà ce caractère d’intimité, d’intériorité, d’union, qui distingue la mère et qui fait d’elle la créatrice du nid, du foyer ? « L’indépendance est le propre du sexe et de l’élément masculins ; la solidarité appartient au sexe et à l’élément féminins. »


II

Passez des germes aux animaux développés, vous reconnaîtrez encore, sur toute l’échelle, que les mâles ont des habitudes plus actives, tandis que les femelles en ont de plus passives ; que, sauf des exceptions dont nous parlerons tout à l’heure, les mâles tendent originairement et par nature à être plus petits ; qu’ils ont une température plus élevée et se consument plus vite ; que les femelles sont d’ordinaire plus grosses, d’une température moindre et vivent plus longtemps. La femelle de l’insecte qui donne la cochenille, chargée de produits de réserve sous la forme du pigment rouge bien connu, passe la plus grande partie de sa vie comme une simple galle, immobile sur le cactus. Le mâle, au contraire, à l’état adulte, est agile, toujours en mouvement, et il a la vie courte. Le mâle adulte de l’ascaride appelé heterodora Schachtii, qui infeste le navet, est agile, tandis que la femelle est toujours au repos et bouffie. Dans l’ordre des strepsiptères, les femelles parasitaires aveugles sont complètement passives et ressemblent à des larves ; les mâles sont libres, ailés, et vivent peu. Chez les insectes, les mâles se distinguent le plus souvent par des couleurs plus brillantes, par des armes utilisées pour vaincre leurs rivaux et par la faculté exclusive de pousser leurs bruyans appels d’amour. Aussi les Grecs disaient-ils ironiquement que les mâles des cigales