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cœurs féminins. Un esprit où le sentiment domine, où la tendance scientifique est moins développée et par l’effet de la nature et par l’effet de l’éducation, où, en revanche, l’idée morale est exaltée, surtout sous la forme de la pitié et de la charité, un tel esprit est naturellement porté à chercher au-dessus du monde une vivante justice et un vivant amour ; un tel esprit est naturellement religieux.

Comment un caractère plus doux, plus timide, plus affectueux, moins enclin à l’action et surtout à l’action agressive, plus retiré dans la vie intérieure et enfin plus religieux, ne serait-il pas par cela même moins fécond en crimes et délits, ces déviations de l’activité dépensière et de l’énergie extérieure ? La maternité est, comme nous l’avons vu, une école naturelle de tendresse et de désintéressement : consentir à être mère, c’est consentir à toutes les souffrances ; la femme qui a pressé son enfant sur son sein, qui jour et nuit a supporté pour lui toute peine, qui par son sourire a éveillé chez lui la première grâce et le premier don du sourire, cette femme a développé en elle-même toutes les vertus fondamentales sur lesquelles la société, comme la famille, repose. Maternité et criminalité, c’est presque une contradiction dans les termes : jamais on ne pourra se figurer le crime sous les traits d’une mère avec son enfant contre son cœur. Au fait, dans le monde entier, la criminalité féminine est très notablement inférieure à la masculine. La proportion des femmes aux hommes condamnés est : en Angleterre, 20 pour 100 ; en Allemagne, 19 ; en France, 16 ; en Autriche, 14 ; en Hongrie, 11 ; en Italie, 5. Sur 100 garçons dans les écoles, il y en a neuf ou dix punis pour larcins ; sur 100 filles, moins d’une ; sur 100 garçons, 54 sont punis pourvoies de fait ; sur 100 filles, 17.

Vous croiriez que, là-dessus, les anthropologistes de l’école italienne vont faire honneur à la femme d’une supériorité morale innée. Au contraire, « la moindre criminalité de la femme est, nous affirment-ils sans rire, un caractère d’infériorité. » C’est, disent MM. Lombroso et Ferrero, parce que la femme est moralement et intellectuellement moins puissante qu’elle est aussi moins criminelle : « le crime, comme le génie, la science, l’art, la politique, la guerre, est surtout le fait de l’homme[1]. Ainsi, au lieu de rattacher la moindre criminalité de la femme à ses qualités naturelles, sensibilité, pitié, esprit de paix et de concorde, comme aussi aux moins nombreuses occasions de vice, on en va chercher les causes dans ses infériorités natives. C’est raisonner comme un théologien qui, se fondant sur cette singularité statistique que, depuis dix ans, le nombre des femmes tuées par la foudre a été deux fois moindre que celui des hommes, en conclurait que le sexe

  1. Lombroso et Ferrero, la Donna délinquente.