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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.

La physionomie des élections du 3 septembre n’a pas différé beaucoup de celle du premier tour de scrutin, qui avait eu lieu quinze jours auparavant. Des 164 circonscriptions qui devaient procéder à la nomination d’un député, 7 seulement ont élu des conservateurs ; les républicains l’ont emporté dans 157 collèges. Parmi ces vainqueurs, il est un vaincu : le parti radical, dont l’effectif a diminué, dont le rôle politique surtout s’est amoindri. Ce parti est frappé dans ses chefs, au moins autant que dans ses soldats : à côté de M. Clemenceau, battu dans le Var, succombent M. Floquet, l’ancien président de la chambre et du conseil, MM. Sigismond Lacroix, Pichon et Maujan, pour ne parler que des plus notables.

On ne voit même pas bien quel sera désormais le leader de ce groupe, partagé en deux fractions : les radicaux de gouvernement et les radicaux socialistes dont M. Goblet a été l’initiateur. Ceux-ci prendront place entre les frontières de gauche de l’ancien radicalisme et les frontières de droite du socialisme pur, qui, renforcé par les derniers ballottages, disposera à la chambre d’une cinquantaine de sièges. L’expression de « socialisme pur » n’est d’ailleurs exacte que par rapport au public, qui regarde entrer au palais Bourbon les adeptes de la doctrine collectiviste, sous l’aspect d’une troupe compacte et redoutable, prête à faire la loi aux radicaux, à la suite desquels elle marchait modestement hier. À pénétrer dans l’intimité des projets socialistes, on constate que jamais le mot : « formons un groupe » n’a été mieux approprié à l’état d’esprit des disciples de Proudhon ou de Karl Marx. Beaucoup de découpages et de petites chapelles nous sont promis de ce côté de la chambre : M. Jules Guesde, le premier, annonce l’intention de fonder le sous-groupe du « parti ouvrier, » qui sera très distinct des autres écoles socialistes, comprendra une quinzaine de membres et aura pour caractéristique de ne faire aucune concession.